Histoire de la découverte et de la conquête de l'Amérique

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DÉCOUVERTE DE L'AMÉRIQUE.

par la dérision d'une justice sanguinaire. Ses bourreaux la traînent à Saint-Domingue ; là on instruit son procès, et l'on cherche en vain la preuve du prétendu crime dont on l'accuse; on ne peut la convaincre que d'attachement, de dévouement sincère aux Espagnols, à ceux-là mômes qui avaient reconnu ses bontés par leur perfidie, et dont la déposition seule suffit pour arracher à des juges infâmes l'arrêt prononcé contre cette malheureuse reine ; elle est condamnée à être pendue, et cette exécrable sentence est exécutée devant les Espagnols, qui n'avaient pas attendu sa mort pour s'emparer de ses États. Le supplice d'Anacoana effraya le reste de la population indienne ; dès lors ils n'osèrent plus faire de tentatives pour se soustraire à l'oppression. La reine Isabelle avait toujours recommandé qu'on traitât son nouveau peuple avec humanité, avec douceur; tant qu'elle vécut, les tyrans gardèrent quelque m e s u r e ; mais sa mort fut, en quelque sorte, le signal de tous les excès, de toutes les violences ; il n'y eut plus de pouvoir protecteur qui s'interposât entre l'oppresseur et l'opprimé, entre le tyran et la victime livrée à la merci de sa cupidité sanguinaire. A la vérité, un digne prêtre catholique, un h o m m e dont on ne doit prononcer le nom qu'avec respect, Barthélémy de Las Casas, osa prendre la défense de ces peuples infortunés ; consacrant sa vie à cette sainte mission, à ce sublime ministère d'humanité, il implora sans cesse, tantôt en Espagne, tantôt dans les Indes occidentales, la pitié en faveur des malheureux Indiens. Jusqu'à son dernier soupir, il plaida courageusement cette noble cause; mais, hélas ! la voix d'un seul h o m m e était impuissante contre les efforts conjurés, contre la ligue des oppresseurs qui opposaient pour uniques arguments


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