Histoire de la découverte et de la conquête de l'Amérique

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CHRISTOPHE COLOMB.

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tés insurmontables ; leurs avaries étaient si considérables, qu'on ne pouvait espérer de les remettre en état de tenir la mer. Cependant l'amiral ne voulut pas les démolir; sa prudence ordinaire lui fit juger que, tels qu'ils étaient, ils offraient à ses équipages plus de sécurité que le séjour à terre ; en restant avec eux sur ces débris, on était à l'abri des attaques des naturels du pays, et les Espagnols trouvaient moins d'occasions de provoquer, par u n e conduite imprudente, leur mécontentement et leur vengeance ; il appréciait l'importance et les avantages de leur alliance et de leur amitié. Les vaisseaux furent donc étayés des deux côtés ; on construisit des baraques sur les ponts, et il fut défendu aux équipages d'aller à terre. L'amiral n'eut qu'à s'applaudir de ces prudentes m e sures, car les Indiens s'empressèrent de venir à bord. Colomb avait donné ordre qu'on leur fît un bon accueil ; aussi témoignaient-ils beaucoup de confiance et d'amitié aux étrangers ; ils apportaient des vivres en abondance, trop heureux de donner deux oies pour une feuille de clinquant, un pain fait de racines de manioc pour un grain de verre, et les objets auxquels ils attachaient le plus de prix pour une sonnette. Cependant il fallait songer aux moyens de quitter cette île : il y eut un grand conseil à bord du vaisseau de l'amiral, et on y discuta cette question importante. Tous furent d'avis qu'on devait instruire de leur détresse le gouverneur de l'Espagnole et le prier d'expédier un navire sur lequel ils s'embarqueraient. Mais comment lui faire parvenir cet avis ? Il ne restait pas une seule chaloupe à l'amiral, et plus de trente lieues séparent la Jamaïque de l'île Espagnole. Les manières affables et la loyauté de Colomb avaient


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