Histoire de la découverte et de la conquête de l'Amérique

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CHRISTOPHE COLOMB.

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de fortes dents, avec lesquelles il coupe une jambe ou un bras, comme le ferait une hache. Un seul coup de sa queue, qu'il remue sans cesse, peut casser bras et jambes à l'homme qu'il atteint, et même le tuer. La voracité de ce poisson n'est pas moins effrayante : il avale tout ce qu'on lui présente, jusqu'à des crocs de fer et des haches. On lit, dans les mémoires d'un voyageur digne de foi, que le cadavre d'un h o m m e enveloppé dans une pièce de grosse toile, comme c'est l'usage en mer, où l'on ne peut enterrer les morts, ayant été jeté dans les flots, on pêcha, le lendemain, un requin, dans le ventre duquel on retrouva le cadavre encore couvert de son suaire. Les nègres de l'Afrique regardent comme un mets délicat la chair de ce poisson, quoiqu'elle soit huileuse et exhale u n e odeur désagréable. Avant de la manger, ils l'exposent à l'ardeur du soleil jusqu'à ce qu'elle commence à se putréfier, c'est-à-dire pendant huit jours environ. Quant aux compagnons de Colomb, la présence de ces monstres leur parut un sinistre présage. Toutefois la faim imposa silence à leurs craintes superstitieuses et à leur dégoût pour la chair rance du requin ; il se décidèrent à en manger, parce qu'elle était encore préférable à leur biscuit, qu'ils disputaieut aux vers. Du reste, ils prenaient ce poisson avec beaucoup de facilité. Connaissant son avidité extraordinaire, et sachant qu'il avale tout ce qu'on lui jette, les matelots attachaient un morceau de drap rouge à un hameçon fixé à une chaîne de fer, et le jetaient à la mer. A peine était-il lancé dans les flots, qu'un requin venait se prendre à cet hameçon. On se hâtait de tirer la chaîne, et le poisson était amené dans le vaisseau. On prit un requin dans l'estomac duquel on trouva une tortue encore vivante, et qui marcha


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