Histoire de la découverte et de la conquête de l'Amérique

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CHRISTOPHE COLOMB.

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malité judiciaire; mais il s'arrête, il recule devant l'exécution de cette horrible sentence ; il semble craindre qu'on ne lui demande compte u n jour de ce sang si pur, si noble, qu'il brûle de répandre sur un échafaud. Toutefois il ose espérer que son parent, l'évêque de Badajoz, cet ennemi j u r é de Colomb, consentira à faire exécuter l'arrêt, et un vaisseau va transporter les prisonniers en Espagne, avec l'instruction du procès où le juge avait si insolemment violé toutes les lois, ainsi que tous les principes de justice et d'humanité. A peine le capitaine du vaisseau sur lequel avaient été embarqués Colomb et ses frères eut-il mis à la voile, qu'ému de pitié, pénétré de respect, il s'approche de son illustre prisonnier et veut lui ôter ses fers. « Votre prisonnier, répond l'amiral, doit rester tel qu'il a été confié à votre garde : ces chaînes que vous voulez m ' ô ter, je les porte par ordre de mes maîtres ; eux seuls ont le pouvoir de les détacher ; je les garde pour leur prouver mon entière obéissance. » 11 porta donc ses fers jusqu'à son arrivée en Espagne. Bovadilla , voulant priver les prisonniers de tout moyen de recours ou d'appel à la pitié de la reine Isabelle, avait ordonné qu'ils fussent remis entre les mains de l'évêque de Badajoz ; mais un pilote n o m m é Martin ne put voir sans compassion le malheur de l'amiral ; il s'esquiva du vaisseau et accourut dans la capitale, pour présenter à la reine une lettre dans laquelle Colomb l'informait de tout ce qui avait eu lieu dans l'île Espagnole, et de la manière dont on abusait de son nom et de l'autorité déléguée à un scélérat. En apprenant que Colomb était arrivé en Espagne, en lisant les détails que lui donnait l'amiral sur l'horrible traitement qu'on lui avait fait éprouver, Isabelle


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