Histoire de la découverte et de la conquête de l'Amérique

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CHRISTOPHE COLOMB.

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Les trois navires chargés de vivres que Colomb avait expédiés des Canaries n'étaient pas encore arrivés dans l'île ; il devait craindre qu'ils n'eussent péri ; mais, quoiqu'ils n'eussent pas éprouvé ce malheur, ils n'en étaient pas moins perdus pour l'amiral. Écartés de leur route p a r les tempêtes et par les courants, ces bâtiments avaient erré longtemps sur les flots ; ils abordèrent enfin à l'île Espagnole, sur la côte occupée par Roldan et ses c o m plices. Roldan se garda bien d'instruire de sa rébellion les c o m m a n d a n t s des trois navires, et leur fit débarquer une partie de leur monde, qu'il devait lui-même conduire à Saint-Domingue. Cette ruse obtint le succès qu'il s'en était promis. Dès que les hommes débarqués, et qui, pour la plupart, sortaieut des prisons de l'Espagne, connurent les projets de Roldan, ils s'empressèrent de se ranger sous ses drapeaux, car là il y avait pour eux espérance de pillage. Ainsi Colomb expiait, à ses dépens, le funeste conseil qu'il avait donné au gouvernement espagnol. L'arrivée de ces trois navires, qui entrèrent dans la rade de Saint-Domingue quelques jours après le retour de Colomb, ne pouvait lui être que d'un très-faible secours, car ils avaient débarqué, dans une autre partie de l'île, presque toutes les troupes qu'ils portaient, et consommé les provisions qu'ils avaient à bord pendant leur traversée, qui avait été si longue. Fier de sa supériorité et joignant l'insolence à la perfidie, Roldan insultait par ses moqueries à la faiblesse de l'amiral, privé des moyens de ressaisir son autorité. Indigné de cette conduite infâme, Colomb fut un moment tenté, pour venger son injure et punir un traître, de se mettre à la tête d'un petit nombre de soldats qui lui étaient restés fidèles, et d'aller attaquer Roldan ; il


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