Histoire de la découverte et de la conquête de l'Amérique

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DÉCOUVERTE DE L'AMÉRIQUE,

u n e vie indolente, ils se contentaient, pour leur n o u r r i ture, d'une poignée de maïs, ou de fécule de manioc, plante dont la racine a la forme d'une betterave ou d'un navet, et qui, pelée, fournit une substance farineuse. Aussi,, comparant leur frugalité avec les habitudes des Espagnols, dont un seul mangeait plus, dans un repas, que quatre Indiens dans une journée, ne voyaient-ils dans ces Européens que des mangeurs insatiables, chassés p a r l a faim de leur pays, dont ils avaient consommé toutes les provisions; ils en concluaient que les vivres de leur île ne tarderaient pas à être également dévorés par ces hôtes si gloutons, dont la fatale présence était le présage d'une famine imminente. Ces considérations auraient suffi peut-être pour les convaincre de la nécessité de secouer un joug odieux. Les violences continuelles auxquelles ils étaient exposés de la part des Espagnols contribuèrent à soulever les Indiens contre leurs oppresseurs ; ils coururent donc aux armes, et, se réunissant sous les ordres de leur cacique, ils formèrent une armée considérable. Lorsque Colomb revint à Isabelle, on se préparait de part et d'autre à la guerre; le peuple haïtien tout entier, à l'exception du cacique Guakanahari, resté fidèle à la cause des Espagnols, était sous les armes et présentait une masse de cent mille combattants, prêts à écraser cette poignée d'étrangers dont les brigandages avaient lassé leur patience. Colomb fut moins effrayé des périls dont cette coalition menaçait l'établissement espagnol qu'indigné des injustices et des excès qui avaient provoqué tant d'animosité et de haine contre les Européens ; mais il dut céder, en gémissant, à la nécessité cruelle de verser le sang de ces malheureux, qui voulaient seulement dé-


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