Les colonies et la politique coloniale de la France

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LA RÉUNION.

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rendrait les marchés mieux fournis dans les villes, les bazars moins rares dans les campagnes, et partout la vie serait moins coûteuse, si des règlements ne gênaient le commerce intérieur. Au dehors encore, la liberté commerciale souffre à raison des taxes qui grèvent les produits des cultures secondaires à leur entrée en France. La suppression ou une large réduction partielle de ces taxes serait le plus efficace des encouragements (1). Les subsistances se trouvent d'ailleurs renchéries par des causes qui échappent à toute législation : un plus grand nombre de navires sur rade à approvisionner, une plus abondante consommation dans la classe des affranchis, l'élévation plus nominale que réelle qui provient de la moindre valeur de l'argent par l'abondance des capitaux, l'accroissement de population par l'excédant des naissances sur les décès, enfin et surtout l'immigration asiatique, qui a changé radicalement les habitudes antérieures. Autrefois toute la population esclave employait ses journées libres à la culture du manioc et de ses autres vivres; la loi l'exigeait, et les maîtres y veillaient. Ceux-ci faisaient d'ailleurs de la vente des aliments au marché une spéculation qui se traduisait en beaux bénéfices que rapportaient fidèlement des serviteurs honnêtes. Autres serviteurs, autres mœurs ! Les coolies asiatiques veulent être nourris avec du riz de l'Inde; ils sont trop suspects pour qu'on leur confie la tenue du bazar, ils coûtent trop cher pour qu'on ne leur demande pas le travail le plus lucratif. En de telles conditions, le jardin et la basse-cour ont dû être négligés dans les habitations, et toutes les forces ont été reportées sur la canne à sucre; les jours qu'elle ne prend pas suffisent à peine à la culture des fourrages et des racines nécessaires aux nombreux bestiaux employés aux charrois. Nous ne connaissons qu'une large li(1) A la fin de l'année 1863, MM. de Bouille et de Poyen, délégués de la Guadeloupe, ont adressé au ministre des colonies une pétition en faveur de la franchise d'entrée des cafés et des cacaos des colonies françaises. (Voir l'Économiste français, tome I I I , page 12 ; n° du 14 janvier 1863.)


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