Les colonies et la politique coloniale de la France

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LA GUYANE.

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Quant aux hommes célibataires, dont l'évasion n'est pas à redouter, soit à cause de leur caractère, de leur âge, du peu de temps que les peines ont à courir, la population de la Guyane s'étonne de ne pas les voir employés aux travaux publics, surtout aux routes, pour lesquels les bras font défaut, plutôt qu'à des cultures de sucre ou de café, qui n'ajoutent rien à la prospérité du pays et coûtent à l'administration dix fois plus qu'elles ne rapportent. Par les labeurs, même périlleux pour la santé, qui assainissent un pays, l'expiation s'accomplit, la réhabilitation s'opère mieux que par quelques heures de culture indolente ou par le louage des services en dehors de la ville et de l'île de Cayenne, tardivement autorisé en faveur des condamnés dont on est satisfait. On reproche avec raison à l'autorité militaire, qui a conservé jusqu'à ce jour la direction des pénitenciers, de ne pas savoir faire tourner le travail des forçats à l'utilité générale. En effet, la colonie tient beaucoup à ses transportés pour les services indirects qu'elle en retire : le service pénitencier y verse tous les ans 3 ou 4 millions, qui ont peutêtre préservé la Guyane d'une liquidation. Les communications régulières et fréquentes avec la métropole ont éveillé le sentiment, jusqu'alors inconnu, de la protection de la France. Par cette conviction, le courage des colons s'est raffermi comme leur patriotisme, et la pensée d'une cession aux Etats-Unis, qui un moment traversa les esprits après 1848, s'est évanouie comme un mauvais rêve. Sur l'état sanitaire des pénitenciers, de vagues rumeurs ont dû prendre la place des renseignements authentiques qui faisaient défaut, et probablement le mal réel a été exagéré. Dans un écrit allemand empreint, il est vrai, d'un si violent esprit de dénigrement contre la France qu'il en perd toute autorité, la mortalité annuelle est portée à 20 pour 100. Elle aurait même en certains moments, sans doute lors de l'épidémie de fièvre jaune qui a éclaté en 1855 et en 1856, été de 40 pour 100. Quelle que soit la vérité, et dût-elle contenir de sévères ensei16


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