Les colonies et la politique coloniale de la France

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LA GUYANE.

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riode industrielle. L'agriculture extensive, qui convient quand on a beaucoup de terres et peu de moyens de les exploiter, eût devancé l'agriculture intensive, qui suppose peu de terres avec beaucoup de capitaux et de bras; mais, loin d'aspirer à fonder des sociétés qui pussent marcher par elles-mêmes, le pacte colonial ou plutôt l'égoïsme légal des métropoles entendait ne faire des colonies qu'un simple marché de matières premières, un simple débouché d'articles manufacturés. Les vivres ne devaient se cultiver qu'en stricte proporti on des besoins des noirs ; la métropole devait nourrir les blancs. Le bétail lui-même, que les savanes semblaient réclamer, devait être fourni par la France, ou par l'étranger en passant par les entrepôts de France. La Guyane, poussée vers les denrées de luxe par les compagnies et le gouvernement, dut subir la loi commune et s'appliquer au superflu avant de s'assurer le nécessaire : vice radical de sa constitution économique, qui lui infligea de fréquentes disettes, empêcha l'accroissement de sa population laborieuse, et pervertit l'esprit public au point que même aujourd'hui, alors que la Guyane pourrait être balayée de la surface du globe sans que la France s'en aperçût autrement que par une sympathique commotion, ses administrateurs professent que la principale destinée de cette colonie consiste à approvisionner la mère patrie de denrées exotiques, et lui demandent des sacrifices, dans ses plans d'exploitation agricole, pour alléger la crise cotonnière de France. Ils en font la condition de toute concession provisoire de propriété, et grèvent le budget local à celte fin. Ainsi tenus en dédain, les vivres ne sont produits qu'en minime quantité, et la disette se fait sentir pour peu qu'un accident accroisse les besoins ou diminue les récoltes. Ces vivres consistent, comme dans la plupart des colonies, en manioc sous ses deux formes, le couac ou farine, la cassave ou galette; en mais et petit mil, empruntés aux sauvages; en riz blanc et rouge, si bien adapté à un pays où les eaux d'irrigation surabondent, et qui réclame déjà, dans les quartiers où il prospère, 14


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