Les colonies et la politique coloniale de la France

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LES

ANTILLES.

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terreurs des premiers jours, le ciel ne tarda point à se rasséréner, et ces deux colonies, où l'on pouvait croire à une scission immédiate et profonde entre les diverses classes, furent colles où le plus grand nombre de noirs restèrent fidèles au travail, sinon aux maîtres. C'est qu'aux Antilles, faute de pouvoir recourir comme ailleurs aux coolies indiens, force avait été de condescendre aux expédients pour retenir les affranchis. Grâce à ces concessions, profitables à tout le monde, la décomposition des ateliers s'était prolongée moins longtemps chez nos planteurs que chez les colons anglais, et la race française avait montré une fois de plus son aptitude à entraîner les populations qui lui font cortége dans les champs du travail comme sur les champs de bataille. Cette situation s'est altérée, comme si une sagesse prolongée pesait trop aux hommes, et les noirs se sont peu à peu détachés en grand nombre des habitations. L'émigration continue, et ce sont les meilleurs qui s'en vont, les plus médiocres qui restent. La faute en est-elle aux propriétaires, las de ménagements qui coûtaient à leur amour-propre, et qui ont vu avec empressement l'Afrique et l'Asie s'ouvrir à leurs appels? Est-elle, au contraire, imputable aux noirs, les uns voulant devenir petits propriétaires, les autres trouvant dans l'oisiveté un attrait supérieur à celui d'un salaire modéré et régulier sous la discipline de l'atelier? Ces deux causes ont contribué à une séparation profondément regrettable, et qui ajourne à long terme l'espoir de l'unité au sein de la société coloniale. Les noirs se constituent en groupes séparés, et les blancs invoquent l'immigration comme leur salut, de quelque région qu'elle leur amène des bras, de l'Afrique occidentale, de l'Inde ou de la Chine. Pendant quelques années, les Antilles ont puisé à ces trois sources, en vertu de traités conclus par les gouvernements de la métropole avec un pareil nombre de compagnies ( 1 ) ; tous (1) La maison Régis, pour la côte occidentale d'Afrique ; la compagnie g é nérale maritime, pour l'Inde ; la compagnie Gastel, Assier et Malavois, pour


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