Les colonies et la politique coloniale de la France

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LES COLONIES DE LA FRANCE.

degré que chez Richelieu, les colonies furent sévèrement i n terdites aux protestants et aux juifs, à cette époque même où le puritanisme dissident jetait sur le sol américain les fondements de la fortune des États-Unis. En vain l'amiral de Coligny avait voulu ouvrir à ses coreligionnaires, dans la Floride et au Brésil, la carrière de la colonisation par des entreprises auxquelles Calvin lui-même avait pris intérêt : les rois et leurs directeurs spirituels s'y opposèrent et concentrèrent dans la patrie, en lui fermant toute issue, un foyer de guerres civiles qui se serait éteint en dispersant ses flammes à travers le monde. Malgré les rigueurs des lois, quelques-unes des victimes de la politique, surtout après l'édit de Nantes, se fiant à la générosité des mœurs, pénétrèrent dans les colonies, s'y rendirent nécessaires par leurs services, et la tolérance refusée à leur droit d'homme et de croyant fut accordée aux avantages que procurait leur industrie. Par une rigueur plus inexplicable encore, les colonies furent fermées aux étrangers de crainte qu'ils ne prissent une part des bénéfices que voulait se réserver une jalouse métropole. On a quelque peine à concilier des vues aussi étroites, des idées aussi fausses avec le génie que la postérité accorde à certains ministres et à certains rois; il faut convenir du moins que le génie de nos souverains et de nos hommes d'État eut, à l'endroit des colonies, de singulières éclipses. De ces éléments multiples s'est formée une race spirituelle, généreuse, hospitalière, recherchant toutes les émotions vives, jadis la guerre, le duel, le jeu, tournée aujourd'hui vers la fortune et les honneurs, n'ayant de ce laisser aller qualifié d'indolence créole que les agréables apparences, et apportant à la conduite des affaires l'ardeur qu'inspire la passion du succès, tempérée par un vernis d'élégance qui rappelle la noblesse de l'ancien régime. Dès le xviii siècle perçaient, entre la population blanche des diverses îles françaises, des contrastes que résumait ce dicton : nos seigneurs de Saint-Domingue, messieurs de la Martinique, les bourgeois de la Guadeloupe. En laissant e


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