Les jésuites à Cayenne

Page 258

§ II

L

LE RETRAIT DES VIVRES

A suppression de pénitenciers secondaires n'arrivait pas encore à équilibrer le budget de la colonie: après de longues hésitations, on se décida au retrait des vivres fourni par l'Etat aux concessionnaires: leur travail, dans la pensée du gouvernement, devait suffire à leur entretien. Or la culture ne fournissait que peu de ressources, et les ménages nouvellement formés avaient à peine de quoi vivre. La misère et les privations engendrèrent des maladies; faute de bras valides les concessions restèrent en friche, et la misère devint universelle. Les maux physiques se compliquèrent bientôt de misères morales: les femmes, séduites par l'appât de l'argent, tombèrent en proie aux passions brutales de quelques surveillants et même des officiers. Au milieu de ce débordement des m œ u r s , l'aumônier restait i m p u i s s a n t : il avait beau multiplier ses aumônes, il ne pouvait répondre à toutes les demandes des malheureux qui assiégeaient sa porte. Ne sachant plus que devenir, les concessionnaires prirent le parti de fuir la colonie: des bandes entières et même des femmes s'exposèrent aux terribles dangers d'une évasion. Quelques-uns réussirent à gagner la terre hollandaise ; le plus grand nombre périt misérablement dans les jongles de la forêt; d'autres, repris par les gardiens lancés à leur poursuite, furent soumis au supplice de la bastonnade, moyen inefficace, qui porta au comble l'exaspération des transportés ! Mieux eût valu leur faire un sort plus supportable, et les arracher à l'étreinte de la misère !


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.