Les jésuites à Cayenne

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LES JÉSUITES A CAYENNE

moi, qui suis un peu comme le hibou de la fable, je les trouve mignons, gentils, surtout quand ils veulent être sages et m'écouter. « U n grand nombre d'entre eux sont plus près du ciel ici qu'ils n'étaient en France. Sur mille h o m m e s , j'en ai vu six cent trente s'approcher de la table sainte à Pâques. Le mois de Marie ne m'a pas donné un spectacle moins consolant. Chaque soir, quatre cents hommes se pressaient au pied de la statue de Marie pour entendre ses louanges et chanter des cantiques en son honneur ; et ces hommes venaient de plein gré, après une journée de travail et de sueurs... » E n 1 8 6 4 , sur huit cents hommes que l'on regarde comme le rebut, non seulement de la société, mais du bagne lui-même, l'apôtre zélé en voyait six cents s'approcher des sacrements et se réconcilier avec Dieu ! E t dans ce nombre, que de rétardataires de dix, vingt, trente ans !... « U n jour, écrit-il, un h o m m e d'un aspect assez imposant vint me trouver et me d i t : « Mon P è r e , je suis un vieux pécheur; il y a cinquante ans que je ne me suis plus confessé; si vous croyez que l'on puisse encore faire quelque chose de m o i , faites. — C o m m e n t ! m'écriai-je, si l'on peut faire quelque chose de vous? mais j'espère bien faire de vous un saint!— U n saint, reprit-il, mais je n'ai jamais fait que du m a l ! C o m ment voulez-vous que je devienne un saint ?» — Notre conversation se termina par une confession, et quelques jours après notre homme faisait sa seconde communion, à l'âge de soixante-cinq ans ! C'était le plus vieux de mon pénitencier. » « Voilà, conclut-il, les péripéties par lesquelles nous passons chaque jour : toujours sur la brèche, nous frappons à droite et à gauche ; nous bataillons contre le 1

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L e t t r e du 1 0 juillet 1865.


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