Les jésuites à Cayenne

Page 215

CHAPITRE X — EVASIONS

195

été assujettie par la main si adroite de Guilbert, ancien chantre de la Proserpine aux P o n t o n s de Cayenne, l'un des plus habiles filous de la transportation. Il a pu calfater et même doubler en fer blanc cette précieuse barque, la peindre et la mettre ainsi en état de faire un voyage de long cours, dont le succès sembla hors de doute. « N o u s avons appris, a dix heures du matin, à SaintLaurent, le départ de ces chers enfants, auxquels se sont adjoints, comme conducteurs sans doute, quatre de nos meilleurs canotiers et le cuisinier de la cantine avec les deux garçons de confiance de .MM. les gendarmes de Saint-Pierre. Les fugitifs n'ont pas manqué d'enlever à leurs patrons tout ce qu'ils ont pu en tout genre pour approvisionner les voyageurs. Le grand Coquet, l'un des chefs de la bande et de mes meilleurs amis, avait voulu quand même me faire cadeau d'une petite canne en satiné : « Gardez-la, mon Père, je veux que vous la gardiez, me dit-il, ce sera un souvenir de la 1 8 . » Je ne compris pas alors. Maintenant que cette 1 8 n'est plus, je vois pourquoi ce souvenir. « Nos excellents gendarmes ont eu beau courir à la recherche des fuyards ; ils ont eu trois jours de mer, de privations cruelles, une fatigue inouïe, mais n'ont rien vu, rien pris, rien ramené ! « Les voyageurs avaient été aperçus en pleine mer, à la Pointe, vers sept heures du matin, voguant à pleines voiles vers Démérari. Les gendarmes s'élançaient à leur poursuite le lendemain, fête de Saint-Pierre, à la même heure. C'était trop tard ! » Voilà une autre histoire d'évadés, racontée par le Père Houdouin : « Deux de ces infortunés étaient parvenus à la Pointe française et se dirigeaient sur le bourg de Mana dans e

e

1

1 L e t t r e du 3o juin 1864.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.