Les jésuites à Cayenne

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CHAPITRE IV — M. MÉLINON

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versations les pauvres bûcherons viennent décharger leur cœur dans celui du prêtre. Bien souvent, dans ces courses lointaines, le Père rencontrait M. Mélinon qui, lui aussi, allait porter ses encouragements aux travailleurs. Parfois quand le déluge était trop fort, « Allez vous abriter, mes enfants », leur criait le bon commandant, et ceux-ci ne se faisaient point répéter la permission, pour aller fumer leurs pipes, étendus dans leur hamac, à l'abri de l'averse ! Au mois d'août de cette même année 1858, l'arrivée du gouverneur qui vint passer quelques jours à SaintLaurent, accompagné de sa famille, fit une heureuse diversion aux souffrances du passé. L'amiral désigna une seconde fournée de vingt-quatre concessionnaires, bien vite remplacés au camp par un nouveau convoi de quatre-vingts h o m m e s . On pressa les travaux du carbet qui devait servir d'infirmerie, et vers la mi-septembre, trois sœurs hospitalières de Saint-Paul vinrent prendre la direction de l'hôpital improvisé. Les soins des bonnes sœurs n'étaient pas inutiles : « Encore un envoi comme le dernier, écrivait au directeur M. Mélinon désolé, et le Maroni ne sera plus qu'un lazaret. Je vous demande des bras et vous ne m'envoyez que des malades, des vieillards, des invalides, des fiévreux évacués du pénitencier de Sainte-Marie... » Au lieu d'écouter ces plaintes, l'administration envoya des surveillants, dont le commandant ne voulait pas, sachant trop bien combien ils étaient méprisés par les transportés, et quels tristes exemples quelques-uns d'entre eux donnaient autour d'eux, par leur conduite privée ! C'était une véritable plaie, qui inspirait au P . Beigner les lignes s u i v a n t e s : «Voilà le Maroni devenu pénitencier comme les autres ! Ce n'était point là ce que 1

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L e t t r e du mois de s e p t e m b r e 1 8 5 9 .


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