Les jésuites à Cayenne

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CHAPITRE

PREMIER

LA

CHIQUE

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meure non pas sur vous, mais dans vous, à la plante et aux doigts de vos pieds, entre vos ongles, et pénètre bien avant dans les chairs vives. Elle entre si doucement que d'abord on ne se doute de rien. Après deux ou trois jours, voilà des douleurs lancinantes, d'insupportables démangeaisons: on ne sait où poser son pied. O n regarde, et quand on a de bons yeux, on découvre un tout petit point noir entouré d'un cercle blanc, c'est la chique avec son nid et son enveloppe. Il faut alors s'armer de son canif, trancher dans le vif et tout enlever d'un seul coup ; d'où résulte un trou assez profond et qui fait souffrir, mais moins que l'animal. Il est ici de pauvres malheureux auxquels on en a ôté jusqu'à cinquante à la fois. « Les Indiens qui nous entourent, se servent, assure-t-on, de grosses épingles pour enlever les chiques, et afin d'avoir toujours l'instrument sous la main, comme ils n'ont pas de vêtements pour l'attacher, ils recourent à un moyen qui leur paraît fort s i m p l e : ils piquent l'épingle à leur lèvre inférieure, et l'en retirent quand ils ont besoin de ses services. » Malgré toutes ces misères, l'état sanitaire des transportés se maintenait bon. Aucune fièvre ne s'était encore déclarée, même les malades venus de Sainte-Marie s'étaient remis assez promptement. Grâce à de nouveaux renforts, envoyés de Cayenne, le nombre des hommes employés au défrichement était monté à cent cinquante. Comme l'écrivait le P . Jardinier : « l'arbre poussait, grandissait et multipliait ses rameaux ! »


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