PRÉFACE DE L'ÉDITEUR.
VII
répétés, d'engagements onéreux : voie funeste dont le le terme n'a été que trop souvent l'abîme où se sont perdus la fortune et l'avenir de familles entières. Mais, si l'institution de l'esclavage a été, dans une certaine mesure, une cause prochaine d'embarras financiers pour la société coloniale, elle a eu encore d'autres inconvénients non moins graves. Je ne parlerai pas de ce que je pourrais appeler le tort politique d'une situation devenue en notre temps tout à fait anormale et contre laquelle la voix du siècle s'élevait avec un acharnement passionné; c'était là évidemment pour le pays une position pleine d'éventualités périlleuses, mais de nature à peser principalement sur son avenir. A mes yeux, l'esclavage a produit un mal bien plus immédiat, mal profond, dont les colonies françaises sont mourantes à l'heure où j'écris ces lignes : je veux dire l'annulation du progrès
agricole.
Il semblerait que le propriétaire d'une exploitation agricole, pourvu d'un nombre considérable et permanent d'ouvriers sur lesquels la loi lui accordait des droits étendus, fût placé dans la condition la plus favorable pour exécuter ce qu'il voulait accomplir. Cette erreur a été partagée par tous ceux qui, jugeant de loin le régime de l'esclavage, n'ont pas été à même d'apercevoir ce qu'il y avait d'illusoire dans l'omnipotence du maître, de virtuel dans la résistance passive de l'esclave. Cette résistance occulte, latente, mais incontestable, a été l'obstacle invincible contre lequel sont venues échouer les rares tentatives d'améliora-