Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

tolérable; la faim a cessé tout à fait; mes forces physiques décroissent sensiblement ; le pouls est faible et régulier; la vue claire; l'estomac et les intestins ne me causent aucun malaise. — A dix heures, pouls faible et régulier ; soif horrible ; nul désir de manger. Tout le reste de l'organisation, soit physique, soit morale, est dans un état qui n'annonce ni dérangement ni déclin. — Deus in nomine tuo salvum fac me, ti in virtute tua libera me. « Mon Dieu! que ton nom soit mon salut , et ta force mon refuge. » — (le peu de mots latins renferment tous mes principes religieux, et dans toute leur étendue. Depuis ma dix-septième année, j'ai toujours cru en un Dieu rémunérateur et vengeur, cette croyance m'a toujours soutenu dans mes épreuves. » Pendant la j o u r n é e du 1 2 , Viterbi se leva, puis il céda plusieurs fois à un sommeil léthargique ; il n'éprouvait nulle envie de manger; tantôt sa soif se réveillait ardente, puis elle s'abattait pour devenir de nouveau impérieuse. Le 1 3 , il se rappela avoir perdu quelques instants la raison, et par un mouvement machinal il saisit la cruche à l'eau et but à longs traits; le froid saisit alors toutes les parties de son corps ; un instant après, les pieds, le nez et les oreilles devinrent glacés. Le pouls alors avait cessé de battre ; tous les symptômes étaient m o r tels. Quelques cuillerées de vin lui rendirent la force et la vie. 11 but ensuite pour la seconde fois une grande quantité d'eau froide; et jusqu'au 1 4 au soir, luttant contre les frissons qui couraient tout son c o r p s , recouvrant et perdant sans retour la force physique et ses facultés m e n t a l e s , sentant son cœur battre avec violence, ne pouvant à peine saisir ses pulsations, il dictait ces mots : « Tout le monde m'abandonne, mais j e conserverai j u s q u ' a u bout le plus précieux de mes biens, mon courage.» Le lendemain, ces paroles sortirent de sa bouche : « Depuis le 2 septembre, j e suis privé de toute consolation. Point de nouvelles de ma famille ; on a défendu à mes amis dans la ville d'approcher de cette prison. Des soldats inexorables sont postés dans la petite chambre où j e suis confiné; ils épient d'un regard inquisitorial mes plus légers mouvements, tous mes gestes, toutes mes paroles; des précautions si étranges, si barbares, seraient plus convenables dans


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