Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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M. LE COMMISSAIRE DE BAGNE DE TOULON, ETC. 2 7 7 M. le commissaire Bonjour prit en note le nom du malheureux soldat qui lui était vivement recommandé ; il promit d'avoir égard à la position de cet h o m m e . L'officier se retira, et au moment où j'allais le perdre du regard, je le vis s'approcher d'une brigade de forçats qui allait aux travaux. Un condamné sortit du rang, ôta r e s pectueusement son bonnet : c'était le soldat qui venait de r e c o n naître un de ses anciens chefs. L'officier prit la main du condamne, attira le coupable sur sa poitrine et le serra affectueusement, comme s'il eût eu à cœur démontrer que l'homme qui avait porté 1 habit de son régiment n'était pas déchu, sous la casaque du forçat, de ses droits à l'estime, et que l'officier ne voyait souvent dans le bagne, malgré le Code, qu'un lieu disciplinaire. Au bagne de Toulon, on compte un grand nombre de condamnes envoyés aux fers par les conseils de guerre. La plupart de ces forçats inspirent l'intérêt, et on se demande, puisque la peine des fers n'est pas réputée infamante quand elle est prononcée par la loi militaire, pourquoi les hommes qu'elle frappe ne jouiraient-ils pas du privilége d'une localité séparée? Ces hommes qu'une grâce peut rappeler sous les drapeaux, distinction

ne

mériteraient-ils

pas une

pendant la durée de leur peine, et n'est-ce pas ajou-

ter à la sévérité de la loi militaire , que d'accoupler un dat qu'un accès d'ivresse, de colère insoumis,

révolté ou déserteur,

sol-

ou de nostalgie, a rendu

à un condamné que les vices

et les plus indomptables passions ont fait assassin, voleur ou faussaire. Au nombre des condamnés militaires qui subissent leur peine à Toulon, se trouvent deux individus dont la position particulière mérite attention. Le premier

est un sous-officier condamné, en Algérie, pour

crime de désertion à l ' e n n e m i . Dans une vigoureuse

rencontre

avec les Arabes, un escadron français perd un de ses hommes. Nul ne peut dire s'il a été enlevé par les Arabes. Son absence au corps est constatée après le combat. L'opinion la plus accréditée est que le cavalier a été fait prisonnier. Quelques semaines

s'écoulent,

et le sous-officier reparait dans les lignes françaises. Il raconte qu'enlevé par les Arabes, il a su. par son adresse, échapper à la


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