Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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M. LE COMMISSAIRE DU BAGNE DE TOULON, ETC.

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pieds et pesant soixante livres. Dumont fut ensuite conduit au bagne, OÙ il devait subir des tourments qui semblent au-dessus des forces humaines. Au milieu de tant de douleurs, de privations et de la plus révoltante malpropreté, accablé de travaux qui n'avaient point de relâche, il guérit de ses blessures et acquit un tempérament dont [a force semblait dédier la barbarie de ses gardiens. Trois épis de blé de Turquie devaient suffire à sa nourriture de chaque j o u r ; cultiver le jardin du c h e i k , couper du bois, d é fricher des montagnes, tirer la charrue où il était attelé avec sept ou huit paires d'esclaves, telles étaient les occupations auxquelles Dumont fut condamné. C'était peu pour lui et pour ses infortunés compagnons d'être sans cesse; exposés à la bastonnade et a des coups de fusils chargés à sel, ils risquaient souvent d'être dévorés par des lions et d'autres bêtes féroces. Ils n'avaient de répit que pendant les prières que les Arabes adressent deux fois par jour à Mahomet et dont chacune dure dix minutes. Il en profitait; lui et ses compagnons, pour voler les bestiaux, les fruits, les légumes, même le blé qu'ils rencontraient en leur c h e m i n . Sans ces l a r cins, ils seraient infailliblement morts de faim. Dumont raconte le plaisir qu'il éprouva avec ses compagnons à dérober un mouton qui les régala pendant huit jours. « N o u s lui arrachâmes la tête, d i t - i l , faute d'instrument tranchant, et commençant la tête par les intestins, qui devaient être dans l'état que chacun s'imagine, sans nous embarrasser des coups qui pleuvaient de toutes parts. Le sang ruisselait sur nos c o r p s ; les Koubals le recueillaient avec leur doigt (d le portaient à leur b o u c h e , en s'écriant : « Que le sang des chrétiens est doux ! » «Quelquefois si nous rencontrions en chemin une moitié d'ours ou de sanglier déchiré par les tigres ou les lions, nous demandions la permission d'achever leur rebut. « O u i , mange, chien de chrétien, répondaient les Koubals;

alors nous nous disputions cet horrible

partage. » Sa barbe avait tellement c r û ,

qu'elle lui descendait

jusqu'à m i - v e n t r e ; sa peau, sans cesse brûlée par le soleil et s i l lonnée par les coups , était devenue couleur terreuse. Il avait les mains

si remplies de callosités,

qu'il n'aurait pu les

fer-

mer même à moitié. La plante de ses pieds était devenue une


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