Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

tirer beaucoup de fausses conséquences des faits que l'imagination produit. Peu d'écrivains étudient comme Je médecin sur le m a l a d e . . . Il n'y a que là cependant où il peut y avoir enseignement utile. On a abusé de confidences laites à voix basse, me dit M. l i o n j o u r , et j'ai à regretter que des noms de coupables presque o u blies aient été jetés de nouveau à l'avidité publique. Le condamné, avant de venir au bagne, a subi une première exposition, les journaux et les crieurs ont souvent répété sou nom à satiété, eh bien, moi, j e me suis l'ait un devoir de ne pas prolonger, autant qu'il est en moi, la mise en spectacle d'un condamné : plus un homme a été élevé dans le monde, plus son humiliation est grande si l ' a d ministration se fait un cruel passe-temps de l'exhibition. Tous les coupables une lois frappés par la loi sont égaux à mes yeux; je ne m'oppose pas à ce que les regards cherchent les plus grands criminels et les devinent, mais j e n'aime pas à servir la curiosité quand elle n'a pas un motif sérieux d'étude. Je connaissais déjà le personnel hors ligne de Toulon ; mes éclaireurs, les gardes-chiourines et quelques contre-maîtres, me l'avaient indiqué. Je fis de faciles concessions aux scrupules de l'administration, et nous primes rendez-vous pour faire une visite dans toutes les localités. A quelques jours de là, j e rencontrai M. le commissaire

sur

la place d'armes, et il me dit en venant à moi : J'ai parlé de votre séjour à Toulon à .M. le préfet maritime, j e lui ai fait part de vos intentions de visiter le bagne : « Laissez entrer cette personne partout où elle voudra, m'a-t-il répondu , nous faisons le mieux que nous pouvons, et nous ne craignons pas la vérité ni la lumière. » Cette parole de M. le vice-amiral Baudin et l'empressement que j e rencontrai dans M. le commissaire des chiourmes me mirent à mon aise, et il ne me fut plus nécessaire de chercher les moyens de visiter par contrebande les lieux que l'on m'ouvrait avec empressement. M. Bonjour avait prévenu mes désirs, et pour le cas où j e ne devais pas le rencontrer à son bureau, il me remit une carte à la


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