Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

tout, frapper l'écrivain, c'est qu'en admettant un changement de système, il n'obtiendra précisément pas un changement dans le personnel dirigeant, et que les mêmes vices existeront sous une nouvelle constitution comme ils ont existé sous l'ancienne. » Quelques-uns des reproches que M. Cerfberr de Mildelsheim fait à l'administration des prisons peuvent s'étendre aussi à la haute direction des bagnes. Au lieu de chercher à améliorer, on n'a qu'une pensée, celle de détruire; cependant aucun châtiment n'est d'une nature aussi efficace sur l'imagination de l ' h o m m e , que ce terrible appareil qui s'attache à l'existence du condamné aux travaux forcés, que cette suite prolongée de privations pénibles et d'humiliations accablantes. Si un spectacle peut terrifier le criminel, et arrêter une seconde fois ses mauvais penchants, si un lieu d'expiation peut inspirer de l'effroi à l'homme qui est sur le bord de l'abîme, c'est le lieu exceptionnel où le forçat est puni par la vie c o m m u n e . Cette souillure qu'il y a dans le contact continuel du condamné sera, quand on le voudra, un châtiment efficace et non un enseignement mutuel de vices. Le travail et la fatigue domptent les passions, le repos les irrite et les protège. La vie en c o m m u n , avec le mobile des récompenses, enfante l'émulation, et, par l'émulation,

les

mauvais instincts s'absorbent. Peut-être m a n q u e - t - i l à l'application de la peine des travaux forcés cette exposition permanente que Lepeletier de Saint-Fargeau regardait comme une condition des peines répressives; il demandait que les peines fussent publiques, c'est-à-dire, que souvent et à des temps marqués, la présence du peuple p u t porter la honte sur le front du coupable, et que la présence du coupable, dans l'état pénible où l'a mis son crime, portât dans l'âme du peuple une instruction utile. Quelques bons esprits de nos j o u r s semblent avoir partagé cette opinion, en demandant que les condamnés aux travaux forcés fussent répartis par chiourmes peu nombreuses, et qu'il y eût un bagne dans tous les ports militaires et marchands. M. le commissaire de marine Glaize, dont j ' a i souvent reproduit les vues éclairées, dans le courant de cet ouvrage, admet le partage des condamnés entre tous les poils de F r a n c e , mais à l'excep-


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