Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

nales de l'Angleterre, confondent les concessions faites à des colons libres secondés par les condamnés, avec la position des territoires, alors que le déporté était fermier d'un sol que la paresse et la m i sère laissaient stérile. L'éloignement et l'inaptitude des condamnés pour l'agriculture furent démontrés par la variété des tentatives faites pendant plusieurs années pour fertiliser le sol. « Je ne c o n nais pas, disait un juge de la Nouvelle-Galles, l'art de transformer des coupeurs de bourses en fermiers. « En effet, dix ans après son inauguration, la colonie ne produisait pas encore le blé nécessaire à la subsistance de ses habitants. La culture de quelques parcelles de terrain ne s'opérait que par voie de travaux forcés. Le gouvernement avait beau émanciper les déportés, leur c o n c é der des terres, leur fournir des instruments aratoires, des b e s tiaux

et des vivres, ces nouveaux planteurs avaient bientôt fait

échouer les plus sages comme les plus généreuses dispositions. Tantôt ils ne savaient pas résister aux déprédations organisées par les bandes de maraudeurs qui égorgeaient le bétail, pillaient et brûlaient les fermes, et gaspillaient les récoltes en v e r t ; tantôt ils dissipaient e u x - m ê m e s ces précieuses ressources, négligeaient le sol ou vendaient leur blé pour avoir du r h u m , et ne tardaient pas à hypothéquer leur propriété aux débitants de spiritueux, devenus les maîtres et les régulateurs suprêmes de la colonie. « La population de la colonie, dit l'historien Dunmor-Lang, se composait alors de deux classes, celle des vendeurs et celle des consommateurs de r h u m . » Le gouverneur Marquarie exprimait la même vérité sous une autre forme, quand il disait quelques années plus tard : « Je ne connais que deux classes dans la colon i e , ceux qui ont déjà subi une condamnation et ceux qui m é ritent d'en subir une. » La corruption et le relâchement des mœurs devaient rendre l'exercice de l'autorité difficile; peu de colonies représentent, dans leur histoire, l'exemple d'un pareil relâchement. Dès les premières années, le contact de tant de malfaiteurs avait dégradé et perverti leurs gardiens; presque tous les condamnés avaient les soldats pour complices dans leurs vols ou dans leurs évasions. Bientôt la démoralisation gagna les officiers qui vivaient en concubinage avec les


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