Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

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d'un châtiment une marchandise v é n a l e ; et maintenant tous les libérés restent soumis à la surveillance. On eût mieux fait de les en affranchir tous, si on ne voulait pas remédier aux maux qu'elle produit. Ces maux sont réels, ils sont immenses, et ils produisent leurs effets. Voyez les tables de recensement; les récidives a u g mentent progressivement. Vous avez généralisé la surveillance, en ne permettant plus aux libérés de s'en a f f r a n c h i r ; elle frappe, par cela même, sur un plus grand nombre d'individus, et les récidives sont plus nombreuses. Si l'on voulait établir une règle de proportion, on trouverait, j e n'en doute pas, que le rapport entre les récidives et le nombre des libérés parqués ou traqués par la s u r veillance a constamment été le m ê m e . » Ne cherchez donc pas ailleurs la cause de cette recrudescence de crimes qui effraie; attachez-vous à combattre et à détruire celte cause, et n'allez pas chercher le remède dans un nouveau système de réclusion : ce serait mettre le baume à coté de la plaie que nous voulez fermer. Un homme aussi modeste dans sa charité qu'élevé par sa pensée, qui craint autant de voir révéler ses bonnes oeuvres que ses belles idées, et que j e ne nomme pas ici, pour obéir à son ardent désir de rester inaperçu, m'écrivait il y a quelques j o u r s , et appréciait ainsi le régime fatal de la surveillance : « J e pense, monsieur, que le système cellulaire sera atroce si l'on ne s'occupe

pas d'en adoucir le régime, en ménageant au p r i -

sonnier de nombreuses et consolantes visites, et surtout si l'on n'abolit pas cette malheureuse surveillance, désespoir du

con-

damné, et cause souvent de nouveaux désordres après sa libération. Quelle prodigieuse a b s u r d i t é ! on veut corriger le coupable, on a la prétention de le ramener au bien, et on imprime sur son front un sceau d'ignominie qui l'accompagnera partout, qui lui fermera toutes les portes, ne lui laissera aucun moyen d'existence, aucun, si ce n'est

le vol et l'assassinat ! Le détenu, cellulaire ou non,

ne travaillera j a m a i s sérieusement à devenir honnête homme, s'il doit toujours être regardé comme un malfaiteur. A tous les sages conseils qu'on pourra lui donner, il n'aura qu'une réponse : Que me servirait de devenir meilleur, si toute ma vie j e dois être c o n s i -


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