Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES

BAGNES

société, on a vu do pauvres travailleurs payer par le sacrifice de leur vie dans un incendie ou dans une inondation, le pardon qu'ils avaient obtenu de leurs concitoyens. A Paris, des libérés se sont maintenus h o n n ê t e s , malgré les provocations au vol que leur tirent d'anciens compagnons de vice, et on a connu deux de ces anciens condamnés dont l'un porta la hotte du chiffonnier, et l'autre habita l'échoppe d'écrivain public dans la Cité ; ces deux h o m m e s , que la même chaîne avait liés à Toulon, conservèrent l'un pour l'autre une sympathie dans laquelle ils puisèrent la force de résister aux tentations du mal. Chaque matin , ils fraternisaient le verre à la m a i n , et quand ils se rappelaient Carthagène, c'est le sobriquet sous lequel ils désignaient T o u l o n , c'était pour j u r e r , sur le comptoir du marchand de vin , qu'ils ne feraient jamais un second voyage. Parmi ces hommes qui ont vécu avec la ferme résolution de mettre fin à leur vie passée, quelques-uns sont sortis victorieux de l'épreuve, témoin le forçat Postol, dont l'histoire touchante est affichée dans chaque localité du bagne de Toulon , exemple que l'administration offre continuellement au souvenir de ceux que la loi retient esclaves, afin qu'ils en fassent profit à l'heure fatale qui les livrera aux misères de la liberté. Postol avait vécu seize ans au bagne ; il était revenu à Pontoise, sa ville natale, et l à , il s'était mis à lutter contre le préjugé qui le repoussait, et les répugnances qui lui enlevaient le travail. Sa p r o bité fut plus forte que la misère, et son énergie plus puissante que le mépris public : il le vainquit, il parvint à inspirer la pitié, et bientôt il gagna l'admiration et l'affection de tous. Admis comme modeste ouvrier dans une fabrique, il donna l'exemple de l ' a s s i duité et des bonnes mœurs, il fit tourner ses épargnes au soulagement de ses camarades moins économes que l u i , quand ils se trouvèrent sans ouvrage; il se fit une joie de secourir toutes les infortunes qu'il connut. La veuve d'un pharmacien, restée sans ressources après une longue maladie , aurait succombé à la misère et aux privations, si Postol n'eût passé la nuit au travail pour procurer à la malade les médicaments nécessaires ; et quand cette femme eut cessé d'exister , malgré les soins que pendant douze ans


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