Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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APRÈS LE

BAGNES

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les coupables qu une seule et même ligue, sur laquelle le mépris les range. Enchaînés, ils subissent une différence de peine; libres, ils sont tous enveloppés dans une égale proscription. C'est un forçat, dit-on, et chacun s'éloigne. L'opinion ne se demande même pas si l'homme que la loi rend à la société en avait été expulsé comme meurtrier, faussaire, ou si la faiblesse de caractère, la misère, l'avaient conduit à détourner à son profit quelques lambeaux d'habit pour couvrir sa nudité ou celle de sa famille, ou bien si, trop timoré pour donner a la justice une déposition sincère sur un crime commis, il a, par une fausse déclaration, encouru la rigueur de la loi. Même humiliation pour tous sans distinction; même arrêt prononcé par la société; il semble qu'elle prenne à tâche d'inspirer au moins coupable le regret de n'avoir point épouvanté le inonde par un forfait. Singulière observation à présenter! La loi réglementaire des bagnes est en ce sens plus juste dans ses actes que l'opinion publique. Elle a rangé en plusieurs classes les c o n d a m n é s ; elle les distingue par livrées et par localités; ils n'ont aucune relation ensemble, la ligne de démarcation est tracée. Le forçat de la salle d'épreuves est souvent bien loin, dans la classification morale, du forçat que la persévérance dans les mauvais instincts retient au banc des indociles. Si dans le pays arrivent, après l'expiration de la peine, l'homme que le châtiment a amendé et celui

qui vient pour

renouveler

la guerre à la soc.iété, couverts du même mépris, victimes d'une égale aversion, ces deux condamnés, qui dans la chiourme étaient bien distincts l'un de l'autre, se lient nécessairement par la même proscription;

et cependant l'un des deux craint le conctact de

l'autre, autant que la société

redoute la présence de tous les

deux ! Un forçat libéré qui n'avait jamais été puni durant son temps aux galères, vint au maire de son village lui montrer sa cartouche jaune et lui demander du travail. m'employer,

et cependant

« Personne, dit-il, n'a voulu

il faut que je vive. Le maire était

M. Dupetit-Thouars. habitant la commune de Saint - Germain, près Saumùr. Ce brave magistrat ne trouva d'autre

moyen

pour

utiliser cet h o m m e , que de lui faire casser des pierres sur le grand


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