Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES FORÇATS CORSES,

ETC.

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peut étudier une classe curieuse de condamnés, c'est l'Arabe que la loi française a frappé dans nos possessions d'Afrique et que la pitié administrative isole souvent des autres forçats. C'est au fort Lamalgue que fut enfermé, en 1 8 4 1 , l'ancien caïd Ben-Aïssa, condamné à vingt ans de travaux forcés par le conseil de guerre de Constantine, pour crime de fausse m o n n a i e . C'était 1

un beau vieillard de 08 à 6O ans. La mise en accusation, le jugement, l'exposition et la venue au bagne de cet homme jadis si puissant, avaient offert le contraste du drame le plus sombre et des scènes poétiques de la Bible. «Ceux qui m'accusent, avait dit à ses juges Ben-Aïssa, ont tous été bàlonnés, emprisonnés, rançonnés par moi ; j ' a i fait tomber les tètes de leurs parents, mais j'étais califat, et Achmet était bey. » Lacroix d'honneur avait été donnée à cet homme qui avait été le second maître de Constantine, et qui, deux fois, avait disputé sur les remparts la possession de la ville aux Français. Le jugement porta que Ben-Aïssa serait dégradé. « Ben-Aïssa, vous avez manqué à l'honneur, dit le président. Vu nom de la Légion, je déclare que v0us avez cessé d'en être membre. » La figure du caïd révéla une émotion profonde. L'Arabe subit aussi l'exposition. L'échafaud se dressa sur la grande place : c'était alors un nouveau spectacle pour les indigènes. Les .Maures, les Turcs, les Arabes de la ville et des campagnes affluaient; les juifs surtout se pressaient pour jouir de l'abaissement de celui qui, pendant sa puissance, s'était montré leur persécuteur. Ibrahim le tchaous (exécuteur), avait regardé avec joie la proie

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Ben-Aïssa, directeur de la monnaie du Bezlick, avait fait frapper ses pièces à la

valeur de 1 fr., mais par ordre du bey, il en porta la valeur conventionnelle à 1 fr. 8 0 , et il obligeait les indigènes a en prendre pour une somme déterminée. Lors de l'occupation de l'Algérie par la France, la valeur des réaux était tombée à 1 fr., niais BenAissa, qui avait été conservé dans ses emplois publics, trafiqua avec les tribus et mit en circulation parmi elles celte monnaie, qui méritait plutôt la dénomination de monnaie frauduleuse, que de monnaie fausse.


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