Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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JOURNAL MANUSCRIT DE M. RAYNAUD.

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douter de sa culpabilité : on plaça près de lui plusieurs renards intelligents, et on obtint l'aveu du plus sublime dévouement filial. Les preuves matérielles constatèrent bientôt que François Mayenne n'était pas coupable, qu'il s'était offert à la justice à la place de son père, et qu'il subissait pour lui l'infamie. Des lettres de grâce arrivèrent au bagne, et Mayenne recouvra sa liberté. Un forçat du bagne de Toulon éprouva la puissance que peut avoir sur l'amendement d'un homme coupable un pardon inespéré. Quelques années après la restauration, un soldat de la garde impériale, retenu longtemps prisonnier de guerre, rentre dans ses foyers, et, muni d'un congé de réforme, il vient chercher un asile et le repos au sein de sa nombreuse famille, qu'il a laissée dans la capitale, Il ne trouve plus qu'une mère veuve, âgée, sans appui, plongée dans une extrême misère. Son père, ses frères, sont morts, a l'exception d'un seul qui est relégué pour toujours parmi les malfaiteurs : il est au bagne! Le soldat s'abandonne au désespoir, mais bientôt un digne ministre de la religion vient à son secours. M. l'abbé Dubois, curé de Sainte-Marguerite, console le soldat, et lui rend l'espérance; son frère n'est pas tellement coupable que la pitié doive se retirer de lui ; le prêtre a rédigé un placet au souverain; il implore sa clémence. Le roi Louis XVIII accorde, non-seulement la grâce, mais il veut y ajouter un nouveau prix en la r e mettant lui-même au pasteur. La voiture du prince s'arrête bientôt devant l'église Sainte-Marguerite, dans le faubourg Saint-Antoine; à ce moment, le vieux militaire priait, et demandait à Dieu le succès de la démarche du bon prêtre; l'abbé Dubois s'approche de François

et lui dit :

Le roi est devant l'église, il nous demande. Quelques minutes après, le soldat et le prêtre recevaient de la main de Louis XVIII la grâce du forçat. Une immense population entourait la voiture du prince. « Vive le roi ! s'ècria-t-on de toutes parts. — Mes enfants, j e vous remercie, dit Louis XVIII ; niais criez aussi Vive le curé de Sainte-Marguerite! Le peuple salua de ses cris le bon prêtre, et ramena en triomphe le vieux soldat a son domicile.


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