Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

pénitentiaire au tollard du bagne . Ce serait pour lui comme une 1

de ces cellules hospitalières que jadis la religion ouvrait au repent i r ; là il pourrait expier dans la solitude son c r i m e . . . s'il y a eu c r i m e ; car Lien que le condamné n'ait

jamais fait entendre un

murmure contre l'arrêt qui l'a frappé, une circonstance a réveillé en moi un doute au sujet de l'épisode sanglant qui a conduit l'abbé Lacolonge au bagne. Pendant mon séjour à Brest, des personnes étrangères au pays étaient réunies à la table d'hôte; quelques-unes venaient de visiter le port, la conversation se porta sur les forçats, et le nom de l'abbé Lacolonge fut prononcé. «C'est un grand scélérat et un profond hypocrite! » dit un des voyageurs, et il raconta comment l'abbé Lacolonge, chanoine au diocèse de Lyon, après avoir assassine, il y a quelques années, une femme avec laquelle il entretenait des liaisons intimes, essaya de cacher son crime en coupant en morceaux le cadavre de sa victime. « Oui, c'est un grand scélérat, si le fait s'est passé ainsi ! » répliqua un convive ; et ces paroles dites, il se tut, et promena son regard sur nous tous, comme pour sonder la conviction de chacun. Personne ne répliqua. L'étranger reprit de nouveau la parole : « S il n'y avait pas eu crime pour l ' h o m m e , et qu'il y ait eu seulement faute pour le prêtre; si la complice des désordres du prêtre et des écarts que l'humanité doit couvrir de sa tolérance avait trouvé, dans l'excès même de la faute, une mort naturelle et spontanée que peut décider, dans certaines conditions de saule, l'acte des passions, la nature des faits se modifierait bien. Le prêtre, rendu au calme des sens, se voit seul, au milieu de la nuit, en présence d'un cadavre... Sa première pensée, c'est la crainte d'un grand s c a n d a l e ; la seconde, le pressentiment d'un affreux s o u p ç o n . . . I1 en faut moins pour créer un de ces expédients extrêmes, une de ces déterminations sataniques, dont la nécessité cache l'horreur et porte l'excuse. « Le c a d a v r e . . . il ne faut songer ni à l'ensevelir, ni à le porter

1

Lit de camp ou planche sur laquelle le forçai repose


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