Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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LES BAGNES.

pondu? me dit J a q . . . avec empressement. — J'ai promis, mais c'est a la condition

que vous vous conduirez comme il

faut,

ou bien pour vous pas de nouvelles de la mère, et pour la mère pas de nouvelles de son f i l s . . . » A partir de ce moment,

je

lis, ajoute Marillac, tout ce que j e voulus de mon prisonnier, et ce fut cette soumission qui lui valut le sobriquet de l'Ours. Tant que j'étais présent, me dit Marillac, jamais J a q . . . ne m a n qua au traité passe entre nous; mon regard , auquel la crédulité a bien voulu accorder une puissance surnaturelle, n'avait qu'un pouvoir : c'était de rappeler à J a q . . . les conditions auxquelles j e consentirais à voir sa m è r e . « Le j o u r du Vol, J a q . . . avait cédé à un instinct nourri par l ' h a bitude ; mais il comprit le soupçon que je gardais contre lui quand il me vit en sa présence, il calcula les chances de la partie qu'il risquait. En gardant l'argent dérobé, il perdait des nouvelles qu'il eût payées du double de la somme qu'il venait de s'approprier. Le combat ne fut pas de longue durée. Entre ses mauvais penchants et son affection pour sa mère, le bon sentiment eut le dessus et la restitution de l'argent fut immédiate. S'il prit des précautions pour le remboursement, c'était dans la crainte du seul châtiment que seul j e pouvais lui infliger : la privation de nouvelles de celle qui lui était c h è r e ; toute autre peine eût été sur lui sans effet. » Après la libération de J a q . . . ,

si Marillac n'eût pas quitté

le

libéré, s'il eût conservé son inspection sur lui, on peut croire qu'il en eût fait un bon o u v r i e r , un bon p è r e , un honnête homme ; mais quand le regard de l'éleveur d'ours ne perça plus cette enveloppe humaine pour arriver au cœur et réveiller le sentiment filial. l'ancien détenu de Bicêtre se livra à tous les écarts d'une vie d é réglée. Le bagne le reçut. Ce sentiment qui contint la nature fougueuse de J a q . . . se r é vèle souvent chez de grands criminels; mais il faudrait qu'un être intelligent le devinât et le dirigeât. Quand on l'aperçoit, il est presque toujours trop tard pour en tirer parti. Ce terrible Poulmann, cet homme-tigre dont le sang fume encore, renie Dieu au pied de l'échafaud... On lui parle de sa mère, il s'émeut, rappelle le prêtre, et presse le Christ sur ses lèvres..


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