Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

Page 219

BASTONNADE-BOURREAUX,

ETC.

185

le poignard levé sur leurs têtes; chacun livre sa bourse, sa montre, ses bijoux. Gasparini promet La vie aux voyageurs, et les entasse dans un fossé où ils se croient sous le feu de l'ennemi. Le conducteur ouvre les caissons, et l'argent change de maître, Gasparini pousse le conducteur dans la rotonde et l'enferme. Pendant toute cette opération, le voleur parle à ses deux mann e q u i n s , et il leur ordonne, en j u r a n t , de tirer sur le premier qui fera le moindre mouvement. Enfin, charge des dépouilles, il part sans avoir versé une goutte de sang, et ce n'est qu'un quart d'heure après sa fuite, que le plus hardi des voyageurs se hasarde à lever la tête; mais les mannequins étaient toujours là. Enfin on se regarde, on cherche à se rassurer; en voyant les factionnaires présumés, on se demande le motif de leur présence; il n'y avait plus rien à prendre, peut-être même leur fait-on une belle harangue pour leur demander grâce. Le plus courageux marche droit au danger, et il fait main basse sur un mauvais chapeau, une vieille chemise et quelques ceps de vigne. Si des hommes volés et battus peuvent rire, ceux-là ont dû finir gaiement leur voyage. Ce coup hardi éveilla soudain les recherches de la justice, G a s parini avait eu l'audace de rester dans le pays; il n'y était pas en trop bonne odeur. On remarqua que cet homme, qui n'avait aucun moyen d'existence et vivait dans la pauvreté, se mettait à fréquenter les cabarets, à traiter ses amis et à faire beaucoup de d é pense. Bientôt il passa aux assises. Le jury prononça la penne des t r a vaux forcés. Quand je vis Gasparini à Rochefort, il était au bagne Martrou , ou petit bagne ; il était invalide et travaillait le coco avec talent. Sa physionomie était gaie et j o v i a l e , et il lui était impossible de ne pas sourire à la pensée de la victoire frauduleuse qu'il avait r e m portée sur de nombreux voyageurs dont quelques-uns étaient armés ; et plus d'une fois j e me suis repenti d'avoir attristé cette existence insouciante de condamné. Voici c o m m e n t : J'avais reçu une note sur Gasparini, d'une personne qui d h a bitude puisait ses renseignements à des sources authentiques, et qui. cette fois, pressée par ses occupations, avait chargé un employé

24


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.