Les bagnes : Histoire, Types, Mœurs, Mystères

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VOLEURS AU BAGNE, ETC.

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Le soir même de cet événement, j e lisais dans un journal qu'on m'adressait de Brest

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« I1 n'est bruit en ville depuis deux ou trois j o u r s que de la découverte; d'un vol qui aurait lieu depuis neuf à dix ans, à raison de 3 à 4 , 0 0 0 fr. par mois, Ce vol consiste à porter sur les états du port plus d'ouvriers qu'il n'yen a réellement, et à se faire rendre en sous-main par les débiteurs

le surplus de la solde, ce qui impli-

querait nécessairement un grand nombre de complices.» Quelle induction tireront de là ceux qui demandent la suppression des bagnes, en jetant sur les forçats la solidarité de tous les larcins commis dans nos ports ? Le bagne est quelquefois un atelier de fausse monnaie, et l'horloger Dubois, qui porta sa tête sur l'échafaud il y a quelques a n nées, a laissé un souvenir de son dangereux talent, sans jeter l'épouvante par son exemple. On comprend que dans les ateliers de serrurerie ou dans les forges, le forçat puisse faire, malgré la surveillance, des fausses clefs ou des limes; mais il est presque incroyable que sur un banc ou sous une carène de navire où il reposera un moment, il p a r vienne à tailler des monnaies de cuivre, à les frapper ou à les ciseler, quelquefois même à creuser des moules, à couler le plomb ou l'alliage en ébullition et à mêler des métaux simulant la couleur de l'or ou de l'argent, et à créer enfin une pièce qui a plus ou moins de ressemblance avec la monnaie légale. D'ordinaire, les faux monnayeurs vivent solitaires, taciturnes, rêveurs; tous leurs efforts, tous leurs vœux tondent à être séparés de leur compagnon de chaîne. La cellule, si jamais elle s'édifie, sera un bienfait pour les hommes qui ont la pensée incessamment occupée de leur œuvre de falsification. On a souvent répété sur parole d'orateurs que le bagne était une école où l'assassin a p prenait à faire une fausse clef, où le voleur faisait son cours de fausse monnaie. Eh bien ! n o n . . . c'est une e r r e u r . . . chaque c r i minel reste dans sa catégorie ; peu ont l'ambition du cumul, et les tableaux vrais des récidives démentent les phrases de tribune. Le

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la Bretagne. 31 août 1844.


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