La terreur sous le directoire

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LIVRE CINQUIÈME

pratique, au point qu'un contre-maître vint, un jour qu'un prêtre était décédé, me demander l'heure d e s obsèques, pour commander pour cette heure-là les matelots chargés de mettre les morts à la mer.» Un matelot mourut; l'un des quartiers-maîtres dit à M. de Beauregard : « Ne direz-vous pas aussi des prières? — Certainement, car il est mort catholique. » Il s'était en effet confessé avant de mourir. Un autre matelot ayant refusé le ministère d'un prêtre, ses camarades s'abstinrent de demander pour lui les prières d'usage . Ces morts répétées, frappant indifféremment déportés 1

et matelots, eurent pour résultat que lecommandantdela corvette, dans l'intérêt même de son équipage, délivra les déportés de l'obligation de rester dans l'entre-pont et les autorisa à monter sur le pont soit de jour, soit de nuit. Dans ce mélange forcé avec l'équipage, les prêtres rencontrèrent tantôt de nouvelles épreuves, tantôt des consolations presque inattendues. Les matelots s'avisaient de chanter la messe de Dumont, par dérision, disent les uns; «pour montrer leurs belles voix, » dit, trop charitablement peut-être, M. de Beauregard ; ils ajoutaient parfois des chants ou des danses obscènes. Cependant les prêtres fidèles, se groupant sur le vaisseau, comme ils avaient fait à Rochefort, autour du grand-vicaire de l'évêque de Luçon, continuaient leur pieux usage de réciter tout haut et ensemble leurs prières et le bréviaire. Ils se livraient à ces pratiques jusque sur le pont; pendant ce temps-là, le maître charpentier etsesadjointssedécouvraientet gardaient le silence . Lorsqu'on passa la ligne, les matelots ne voulurent pas faire grâce aux déportés de la cérémonie traditionnelle du baptême. M. Brumauld de 2

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Op. cit. 305. II.

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