LIVRE
SIXIÈME
L A D É P O R T A T I O N A L ' I L E DE RÉ ET A L'ILE
D'OLÉRON
Les souffrances meurtrières d'une longue traversée ; un pays étranger où la négligence du gouvernement ajouta aux chances naturelles de mort des maladies affreuses, des funérailles multipliées : voilà le tableau que nous a offert la déportation à la Guyane, sans parler de cette séparation absolue de la mère-patrie qui constituait un inexorable exil. La déportation dont, il nous peste à parler n'a pas ces Caractères sinistres ; mais elle en a d'autres. D'abord, soit en laïques, soit en prêtres, elle embrasse un nombre quatre fois plus grand d'individus. A la Guyane, les déportés jouissaient, dans le canton qui leur avait été assigné, d'une liberté relative ; à l'île de Ré comme à l'île d'Oléron, les déportés sont des prisonniers, enfermés dans une citadelle, soumis à toutes les vexations comme à toutes les gênes que comportent et la vie de prison et la vie en commun. A la Guyane, l'on garde à peine l'espoir de retourner en France ; à l'île de Ré comme à l'île d'Oléron, les déportés Sont agités d'un autre tourment : ils sont aux portes de la France, et non-seulement, elles leur sont fermées, même par l'espérance, mais autour de leur île, rôde sans cesse quelque bâtiment de L'État, destiné à entretenir en eux une inquiétude et une anxiété continues ; leurs craintes les transportent au delà des mers et le séjour qu'ils habitent n'est pour eux que la triste et première étape d'une déportation qu'ils savent mortelle.