A l'ile du Diable : Enquête d'un reporter aux iles du salut et à Cayenne

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L'AFFAIRE

DREYFUS

portent ces chers petits. Il faut qu'ils apprennent un jour que ce nom est digne d'être honoré, d'être respecté, il faut qu'ils sachent que si je mets l'honneur de beaucoup de personnes au-dessous du mien, je n'en mets aucun au-dessus. » Le 28 j a n v i e r , il envisage, le d é p a r t , la t r a v e r s é e : « Et puis, songe au chemin terrible qu'il me reste encore à parcourir avant d'arriver au terme de mes pérégrinations. Une traversée de 60 à 80 jours, dans des conditions épouvantables. J e ne parle pas, bien entendu, des conditions matérielles de la traversée — tu sais que mon corps m'a toujours peu inquiété — mais des conditions morales. Me trouver pendant tout ce temps-là en face de marins, d'officiers de marine, c'est-à-dire d'honnêtes et loyaux soldats qui verront en moi un traître, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus abject parmi les criminels ! Tu vois, rien qu'à cette pensée, mon cœur se serre. » Le 3 février, a p r è s d e s crises d ' a b a t t e m e n t il s'est ressaisi. « Par un effort inouï saisi. J e me suis dit que la tombe, ni devenir fou lait donc que je vive, morale à laquelle je suis

de ma volonté, je me suis resje ne pouvais ni descendre dans avec un nom déshonoré. Il falquelle que dût être la torture en proie.

Ah ! cet opprobre, cette infamie qui couvrent mon nom, quand donc les enlèvera-t-on ? »


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