Essai sur l'Histoire naturelle de l'isle de Saint-Domingue

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DE S A I N T - D O M I N G U E . 53 fantaifies ; leurs defirs s'irritent par les obstac l e s , l'impoffibilité de les remplir les défefperent. Ils font paffionnés à l'excès pour les femmes ; il les quittent a v e c indifférence ; l'inftinct fait t o u t , le fentiment n'y eft pour rien. L ' o i f i v e t é , l'indolence, la négligence de leurs propres intérêts les caractérifent en tout ; on ne fauroit s'y m é p r e n d r e , ni les confondre a v e c l'induftrieux & actif Européen. O n les v o i t rarement fidèles dans leurs a m o u r s , à moins que le lien conjugal ne vienne fixer leur inconfiance ; la jaloufie fuccède alors à l'indifférence, elle les maitrife jufques dans les plus petits détails, & il en réfulte bien des troubles domeftiques, fur-tout lorfqu'une f e m m e , offenfée par des f o u p ç o n s , fe livre à fon humeur acariâtre : on s'injurie, on boude quelque j o u r s , & puis o n fe raccommode : ainfi v a le monde. O n peut dire à la louange du f e x e , qu'il fait fe refpecter; que l'honneur, la d é c e n c e , la f a g e f f e , font des barrières qu'il n'a p a s c o u t u m e de franchir, & qu'une femme dérég l é e , (je ne parle que des b l a n c h e s , ) eft auffi rare que les hommes libertins font communs ; c'eft d o m m a g e que ces vertus fe t r o u v e n t fouvent accompagnées d'un fond de vanité, d'un ton impérieux qui gâte tout. L a plupart des femmes n'ont pas le talent de s ' o c c u p e r , elles font paffionnées pour la danfe : lorfque c e t amufement leur m a n q u e , que le jeu o u la c o m p a g n i e ne viennent pas les diftraire , elles paffent leur temps à dormir ou à q u e reller leurs fervantes a v e c un dédain, une h a u teur infupportable. D iij


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