Essai sur l'Histoire naturelle de l'isle de Saint-Domingue

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ESSAI SUR L ' H I S T O I R E N A T U R E L L E

fuivie , dans quelques quartiers , d'une groffe pluie, après laquelle la chaleur devint auffi incommode que s'il n'avoit pas plu. Les brifes, toujours régulières, ne fe firent prefque point fentir durant la journée. A fept heures & un quart du foir , il regnoit par-tout le plus grand calme , qui n'étoit troublé par aucun fouffle de vent , le ciel fans nuages, l'athmofphère chargée de vapeurs qui éclipfoient les étoiles , la lumière pâle de la Lune, tout ne refpiroit que le deuil. La terre alors commence à s'ébranler affez doucement, comme pour éprouver fes forces ; mais tout-à-coup elle femble fortir de fon affiette : des fecouffes violentes, dirigées d'abord de l'Eft à l'Oueft , & qui font enfuite le tour du compas , fe fuccèdent avec rapidité ; toute la nature paroît proche de fa fin ; le fol eft comme flottant ; les rochers fe fendent, s'entr'ouvrent, & font rejaillir les eaux fouterreines, comprimées fous leurs voûtes affaiffées ; des arbres monftrueux font détachés de leur bafe ; ceux que leurs racines étendues affermiffent, font toucher leurs branches jufqu'à terre ; des parties de montagnes s'écroulent ; les eaux ftagnantes deviennent des mers agitées, qui franchiffent leurs écors, & inondent les lieux qui les avoifinent ; les édifices les plus fuperbes, & qui paroiffoient les plus folides, s'ébranlent, perdent leur à-plomb , fe décompofent & s'écroulent avec un horrible fracas ; les cloches Sonnent d'elles-mêmes, mais ne donnent que des fons difcordans ; les animaux de toute efpèce ne & reconnoiffent plus, ils courent


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