26 s'étant cassée , les nègres n'avaient pu faire
autant de
sucre qu'à l'ordinaire. L'avarice et l'orgueil des créoles ne permettent pas aux esclaves
de porter des souliers ou autres chaussures ;
aussi des accidens fréquens causent des maux de pieds aux noirs , et leur attirent de douloureuses maladies. T a n tôt ce sont des épines ou des clous enfoncés dans les chairs, tantôt c e sont des c h i q u e s , pucerons presque imperceptibles, qui se glissent sous la p e a u , pénètrent plus avant, s'y logent, p o n d e n t , et occasionent d'abord
un
simple chatouillement, puis de graves douleurs, et quelquefois nécessitent des opérations fâcheuses. La mauvaise qualité des alimens, et le défaut de chaussures, sont la cause de cet horrible gonflement de jambes, qui atteint si souvent les nègres, et qu'on connaît sous le nom d'éléphantiasis. L'avarice du maître spécule même sur le court sommeil de ces infortunés. La cloche a sonné une heure et souvent deux avant le jour , et le fouet aigu du commandeur a retenti trois fois. Les esclaves sortent de leurs cases, et s'avancent encore tout exténués des coups et des fatigues de la veille : ils sont comptés , puis dirigés vers les champs ; d'autres sortent du cachot e t , liés deux à deux avec de grosses chaînes , vont également au travail. Les retardataires sont punis depuis quatre jusqu'à dix et quinze coups de fouet. Arrivés dans les champs qu'ils doivent sarcler, ou fouiller ou planter, on les met en ligne. Les commandeurs se placent à peu de distance derrière e u x ; au moindre signe de relâche, ils appliquent à un nègre plusieurs coups de fouet, ou bien le tirent du rang, le font coucher, et le taillent plus long-temps. Survient-il un grain , ou forte o n d é e , le travail n'en continue pus