De l'esclavage aux colonies françaises et spécialement à la Guadeloupe

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24 une boutade les y fera dépérir de besoin et de douleur. Les nègres des champs sont encore plus malheureux que ceux de la ville. Ces derniers ont des occasions de se p r o curer quelque argent avec lequel ils s'habillent plus p r o prement, car la vanité est leur vrai côté faible; ils p e u vent se donner aussi quelques douceurs en tafia ou autres choses. Mais à la c a m p a g n e , ils se procurent difficilement le nécessaire, et rarement en trouve-t-on qui suffisent à leurs besoins. Ils sont dans une telle indigence que des haillons leur couvrent à peine la moitié du corps. Rien de plus indécent que ces négrillons des deux sexes, qui restent, jusqu'à l'âge de douze ans et au-delà, sans aucun vêtement, m ê m e sous les yeux des filles du propriétaire. Nègres et négresses fument avec une grande passion, qu'ils satisfont à peu de frais, puisqu'ils récoltent euxmêmes leur tabac. C'est un spectacle singulier que celui qu'offrent ces tourbillons de fumée qui se jouent autour d'une figure féminine. Là point de ces chansons d'amour ou de patriotisme dont nos paysans et surtout nos Dauphinois font retentir les vallées. Des complaintes, quelques chants allégoriques sur leur sort s'entendent parfois ; ce n'est pas la joie et le bonheur, c'est la douleur qui s'exhale. Le silence de la campagne n'est interrompu que par les lugubres coups de fouets et par les gémissemens des patiens que leurs bourreaux déchirent. Vous faites souvent des lieues entières sans que ce terrible et barbare son discontinue de frapper l'oreille. On appelle roulaisons

l'époque, des récoltes, c o m m e

nous appelons les nôtres moissons et vendanges. Ce sont de rudes momens pour les esclaves : sur pied la nuit et le


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