De l'esclavage aux colonies françaises et spécialement à la Guadeloupe

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14 Ces troupeaux d'hommes sont ensuite dirigés sur les habitalions c o m m e nous envoyons dans nos fermes des boeufs.ou des chevaux. Les scènes les plus touchantes ont souvent lieu au m o ment des ventes. La séparation s'exécute au milieu des cris et des gémissemens de ces infortunés, qui n'espèrent plus se revoir, et q u i , tremblant les uns pour les autres, se font de longs et tristes adieux. Quelquefois aussi des reconnaissances soudaines d'amis et de parens, entre les nègres nouveaux et des nègres qui étaient déjà dans la c o lonie , réjouissent l'âme un moment pour la déchirer e n suite d'une manière plus cruelle. En 1 8 2 8 , un navire négrier apporta trois cents nègres au bourg St-François, entre Ste-Anne et le Moule , quartier où il en débarque souvent. De jeunes Africaines étaient exposées en vente. L'une d'elles, remarquable par l'éclat de ses grands y e u x , sa taille élevée et la beauté de ses formes,

attirait surtout les regards des assistans. Tout-

à-coup un nègre, domestique d'un des habitans accourus à c e m a r c h é , et qui avait été acheté dans une cargaison deux ans auparavant, s'élance au-devant de l'Africaine. Ima ! Ima ! s'écrie-t-il. — Lichi ! Lichi ! répond l'Africaine qui l'a r e c o n n u ; et ils courent l'un vers l'autre, s'embrassent, se livrent à des transports de j o i e , aux plus doux épanchemens. Le nègre la quitte soudain , et vient se jeter aux pieds de son maître ; ses larmes coulent en abondance, il peut à peine parler. C'est m o n amie, lui dit-il, ma femme dans mon pays. Je mourrai rendue; Ima mourra

si Ima ne m'est pas

si Lichi n'est plus avec elle. Bon

maître, ne creusez pas notre fosse à tous deux par votre refus. L'habitant fut attendri par cette demande. II craignit


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