Drup danm

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8 C’est un risque dans la vie que l’on prend quand on est au danmyé, mais c’est aussi, le même risque que l’on prend quand on a une femme (ou un homme) et ceci, à chaque moment que l’on vit. Si quelqu’un ne veut pas prendre le risque de perdre sa femme qu’il n’ait pas de femme. On comprend avec des situations simples, des mots simples qu’il y a un enseignement de la vie qui est puissant et qui tend à armer l’individu, à le préparer, à affronter les difficultés, à lui apprendre la maîtrise de soi. D’emblée, la recherche dans le danmyé n’est pas coupée d’une manière de vivre le danmyé ou de vivre en Martinique. Autre exemple « Mel fè konplo, Izabel gaté mayi mwen ». Ce chant est issu de la région de Basse - Pointe. On ne comprend pas « mel fè konplo » : qui sont les merles ? C’est à ce moment qu’on établit la correspondance entre la couleur noire du merle et celle du nègre. Le merle devient l’expression métaphorique du nègre ; la parole est déjà masquée : nous sommes dans un principe universel littéraire de l’expression métaphorique, mais on est en même temps dans les stratégies de résistance mises en place par les noirs dans leur survie aux Amériques dans la plantation ou l’habitation et utilisant la dimension du masque. Partout où cette résistance a été à l’œuvre et a été présente, sous la forme du masque dans les chants, dans la danse, elle voile le sens et la signification du discours dans le chant. Il faut parfois se lier et travailler longtemps avec ceux qui connaissent, pour recueillir ce qui a été laissé comme trésor aux descendants, quand ils veulent bien y faire attention. Nous avons parlé de masque, et quand nous en parlons, nous entrons dans son double visage : celui qui se donne à voir et celui que seul le porteur du masque ou les initiés connaissent. La chanson fonctionne un peu sur ce même principe. Il y a encore tant de choses que nous pourrions dire sur cette capacité d’observation et de synthèse que nous avons rencontrée chez les anciens martiniquais dans notre travail d’enquête ! Le chanteur ne dit – il pas : « jé – a bel, observasion ki tout 2 » ? Nous citons ici, de mémoire madame Siméline RANGON, aujourd’hui décédée. La chanson, comme le masque, est souvent un lien entre différents mondes : celui du visible, celui de l’invisible. Le monde du visible se laisse voir ; celui de l’invisible demande, en soubassement, un regard attentif, vigilant, une double écoute, capable de faire les liaisons qui ne s’élaborent pas d’emblée. C’est pour cette raison, que décrypter l’héritage culturel de nos ancêtres représente quasiment un parcours initiatique, car, à chaque fois qu’il y avait quelque chose d’important dans la communauté, les anciens

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l’intégraient dans leur système de résistance tout en

Traduction littérale : « Le jeu est beau, l’observation est reine »

Document diffusé par Manioc.org


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