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74 Théophile O BENGA, ces danses anciennes ont été influencées fortement pas l’Afrique, donc dans les colonies, ces danses africaines anciennes ayant subi une évolution en Europe, et étant présentes dans les rituels religieux mais aussi les rituels païens tel le fandango, se retrouvent dans les colonies avec l’Afrique originelle. On comprend l’horreur des prêtres de l’époque, mais pas obligatoirement des colons. Jacqueline ROSEMAIN était consciente qu’il fallait étudier les danses d’origine africaine pour montrer la véracité de son hypothèse. Elle l’énoncera ainsi en parlant des kalenda d’origine européenne et africaine. Nous citons ses propos extraits de la page 49 de son ouvrage La musique dans la société antillaise 16351902, Martinique Guadeloupe : « Dès son arrivée, le bossale se crée une personnalité d’emprunt. Ses souvenirs, sa religion, sa musique et les réalités de la vie quotidienne qu’il doit accepter pour améliorer son existence l’y contraignent. Il doit se forger une double identité ; la sienne et celle que lui impose le système. Double aussi sera sa religion : la sienne, relation d’un peuple libre avec ses génies qu’il interpelle en chantant et en dansant en plein air. L’autre relation d’un peuple enchaîné adorant un dieu en trois personnes enseignant la résignation, chantée en latin, a capella, dans une église. Il aura deux langues, la sienne et l’autre qui lui est imposée à partir du langage du maître. Son double ne sera pas toujours docile, il se rebellera souvent. Tout au long de nos recherches, nous avons été confrontés à ce dualisme. Il nous a conduits dans des méandres inexplicables en vertu des traditions africaines qui veulent que le même nom désigne à la fois le chant, la danse, le tambour qui les accompagne et le bal au cours duquel ils sont joués et de leur nouvelle tradition créole. Nous avons observé que toutes les fois où l’esclave opte pour une terminologie à consonance française, c’est parce qu’il les retrouve dans ses dialectes. Quand il l’applique à sa musique, elle désignera à la fois la sienne, l’africaine et l’autre, la française, qui lui appartient aussi, enfin, la créole, ou la christianisée. »

Si elle donne une approche claire et précise quant à l’origine latine du mot, en Europe se référant à la fête des calendes, qui se disait à l’époque « calenda, calendaé » on ne voit pas l’origine africaine. Dans nos échanges personnels avec Jacqueline ROSEMAIN, elle a toujours affirmé qu’il fallait faire les recherches sur le terrain pour pouvoir relier l’Afrique et l’Europe à ce niveau. Selon nous, la réserve que Jacqueline ROSEMAIN mettait dans ses conférences est d’importance. S’il se réfère à des danses propres en Europe, liées à des fêtes religieuses du début de chaque mois, le mot kalenda, dans son origine latine, vient se superposer dans la société esclavagiste, sur les mots d’origine africaine, ayant quasiment la même fonction sociale. Le « kalunga », le « calingia » : on a là, une sorte de calque qui fonctionne comme un masque : je suis dans les calendes et je suis en accord avec la société coloniale ; en même temps, dans le kalunga, je pratique mon art, l’art africain défendu. C’est une forme de résistance que ne saurait nier Gabriel ENTIOPE, opus cité à l’introduction. L’Etat colonial ne considérant pas la culture noire comme une culture humaine à part entière, étant européocentriste à l’époque et parfois jusqu’à maintenant, peu de recherches et d’études et peu de documents existent sur

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