Drup danm

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71 « Les choix esthétiques que fait un artiste sont faits pour créer un véhicule pour le contenir et délivrer le pouvoir d’arriver au résultat escompté. A partir de cette hypothèse, l’utilisation esthétique de ces coups de pieds inversés de l’engolo peut être prise comme une utilisation stylistique du pouvoir des ancêtres. Comme la plupart des groupes bantous parlant le savanna, les Kunene partageaient et héritaient de cette vision cosmologique de leur monde spirituel et physique autour du concept de la kalunga. L’utilisation largement répandue de ce terme du Cameroun à l’Afrique du Sud, atteste de son ancienneté. Le terme était dérivé du terme proto – bantou ancestral [loung] signifiant « mettre en ordre / rendre droit ». Le mot désignant également le père créateur, également dérivé de [loung], apparaît dans le langage Njila (du peuple Cimbebasien) comme kalounga, qui peut être grosso modo interprété comme « celui qui met [le monde] en ordre. Le préfixe [ka] était souvent utilisé pour les personnes de fonction, reflétant le fait qu’ils concevaient kalounga comme un dieu singulier et personnalisé. Au – delà de la signification de « grand faiseur d’ordre », le terme kalounga faisait référence à l’ordre cosmologique créé par Dieu. Au centre de leur compréhension de l’univers, se trouvait la kalounga comme étant un seuil entre la terre des vivants et celle des morts. On croyait des bons ancêtres, qu’ils vivaient au dessus ou plus précisément en dessous de la kalounga, un monde inversé auquel on pouvait accéder par le biais des corps ou de l’eau ou encore par des grottes sacrées. Le passage à travers la kalounga était une transformation liée au blanc, la couleur du fond de la mer ou de la poussière qui s’échappe de l’âme alors que celle – ci se compresse à travers le petit portail dans les caves des grottes sacrées. Elle émergeait ensuite dans le monde du pouvoir spirituel où les ancêtres marchaient tête en bas, pieds en l’air, mains au sol. »

Nous avons cité longuement ce passage, car selon nous, la dimension spirituelle du mot kalounga y est attestée clairement. Selon nous, il y a une proximité phonologique entre le mot kalounga de l’Angola et le mot calingia de Max DUFRENOT quand il parlait de l’origine du mot laghia. On peut penser que les mots Kalinda ou kalenda peuvent être les résultantes d’une évolution phonologique. Mais ils peuvent tout aussi bien, à l’instar de l’hypothèse émise par Jacqueline ROSEMAIN, être l’objet d’un calque linguistique tel qu’il est décrit dans le dictionnaire de linguistique et des sciences du langage41 de Jean DUBOIS : « On dit qu’il y a calque linguistique quand, pour dénommer une notion ou un objet nouveaux, une langue A (le français par exemple) traduit un mot, simple ou composé, appartenant à une langue B (allemand ou anglais, par exemple) en un mot simple existant déjà dans la langue ou en un terme formé de mots existant aussi dans la langue. »

A partir des propos émis par Max DUFRENOT, sur le calingia, par T.J OBI sur le kalounga, et Jacqueline ROSEMAIN, sur les kalenda, mais aussi par Pierre PLUCHON dans Vaudou, sorciers empoisonneurs de Saint –Domingue à Haïti42, parlant des kalenda, il se dégage une approche qui nous paraît des plus intéressantes. Le kalenda (ou les kalenda) n’est pas seulement une danse. Il est à la fois un rassemblement de Noirs et aussi un rituel cultuel, dans lequel les danses sont présentes. La tradition orale en Martinique dit que danser est une

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Document diffusé par Manioc.org


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