Drup danm

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7 Le travail effectué ici n’est pas un travail de simple observateur ou de spectateur, ni seulement un travail livresque, c’est un travail qui a commencé il y a plus de vingt six ans et qui continue toujours. C’est un travail où on est à la fois chercheur, acteur, observateur et apprenant. L’observation est un principe fondamental dans l’art de vivre en Martinique : nous l’avons retrouvé dans toutes les pratiques de danses et toute la culture afro - martiniquaise. Elle est poussée au plus haut niveau dans le combat « danmyé ». L’observation dans sa dimension créole implique les capacités : 1- de mise à distance, à savoir regarder le combattant adverse travailler ou se regarder travailler ; de ressentir l’autre, à savoir, avoir la capacité d’anticiper son geste ; 2- de comparaison, de mise en lien de ce qui apparemment ne l’est pas encore ; 3- de synthèse de ce que l’on a compris ; 4- de maîtrise et de reproduction ; quand le chanteur ou la chanteuse dit, dans la tradition chantée au tambour, « observasion kavalié !» ; cela veut dire que l’un au moins des pratiquants s’est trompé. Ceci révèle au cavalier ou à la cavalière qui danse qu’il (ou elle) a fait une erreur, qu’il (ou elle) ne maîtrise pas encore ce qu’il fait ou encore qu’il a mal compris ce qu’on lui a enseigné ou qu’il a eu un moment d’inattention.

On comprendra que dans une culture comme celle de la Martinique, les jeux et exercices de la tradition ont comme fonction de développer les capacités d’observation, l’acuité du cerveau à comprendre les liens, à rechercher le sens. Ces pratiques sont présentes par exemple dans les Tim tim bwa chez ou Tim tim bwa ches (devinettes dans les veillées mortuaires). Elles sont encore présentes dans les refrains des chansons de la tradition : par exemple dans la chanson de danmyé Mémé magré sa. C’est l’histoire d’une femme qui trompe son mari, Klodomi, avec un tanbouyé qui s’appelle Adréa. Qu’est - ce que cela vient faire dans un chant de danmyé ? Quand on entend la première parole significative de la chanson : « Bon Dié ! si ou pa lé tonbé pa jwé1 ! » L’enseignement du chanteur, à travers la chanson révèle qu’il y a une similitude de situation entre celle d’être avec une femme qui peut vous quitter pour une raison ou pour une autre, et celle quand on joue au danmyé, où l’on prend un risque dès qu’on entre dans la ronde, celui de perdre ou de gagner son combat : si on ne veut pas perdre son combat, il ne faut pas entrer dans la ronde.

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Traduction : « Bon Dieu ! Si tu ne veux pas tomber, ne joue pas ».

Document diffusé par Manioc.org


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