Les monuments aux morts d'Emile André Leroy

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Hippolyte Galy, « La Douloureuse de la Pointe-à-Pitre », Monument aux morts, Place de la Victoire, Pointe-à-Pitre, 1925. Photo L. Lavall pour DAC Guadeloupe.

Hippolyte Galy, Monument aux morts de Basse-Terre, Champ d’Arbaud, 1926. Photo L. Lavall pour DAC Guadeloupe.

sculpteur Hippolyte Galy (1847-1929) dont le financement par souscription publique s’avère difficile. L’artiste, formé à l’École des Beaux-Arts de Paris est membre de la Société des Artistes Français depuis 1891. Dans les années d’après-guerre, la Société des Artistes Français joue un rôle essentiel dans l’émergence d’un art commémoratif. D’une part elle s’occupe des artistes démobilisés et honore le souvenir des morts, d’autre part elle offre, à l’occasion de son Salon annuel qui est l’épicentre de l’art officiel, une vitrine prestigieuse pour une infinité de modèles de monuments aux morts. Les artistes peuvent y exposer et y vendre leurs projets, lesquels ne sont pas forcément conçus comme des exemplaires uniques. Certains ne s’interdisent pas en effet de vendre plusieurs exemplaires d’un modèle qu’ils modifient à la marge. La statue de Pointe-à-Pitre se trouve ainsi également à Montlucon. Galy livre à la Guadeloupe deux œuvres monumentales en conformité avec l’esthétique de son temps, mettant en scène des allégories féminines aux formes voluptueuses. Elles illustrent chacune les deux thèmes privilégiés de la commémoration de la guerre : le deuil et la victoire.

la Douloureuse de la Pointe-à-Pitre, cette œuvre illustre une tendance pacifiste de la commémoration qui est très minoritaire dans le corpus des monuments aux morts, aussi bien dans l’Hexagone que dans les «vieilles colonies ».

Le monument de la place de la Victoire à Pointe-à-Pitre est inauguré en premier, le 11 novembre 1925. La sculpture en marbre de Carrare représente une femme vêtue d’un simple voile, assise et penchée sur le côté. Son air mélancolique et les différents attributs qui l’entourent − couronne de fleurs, feuilles de laurier, casque Adrian, en font une allégorie de la Nation en deuil. Parfois appelée

Le poilu, une icône reproduite en série

Le monument de Basse-Terre, inauguré le 15 juillet 1926, est plus imposant par sa taille, plus spectaculaire aussi dans sa mise en scène. Contrairement à Pointe-à-Pitre où le groupe sculpté semble en retrait dans un angle de la place de la Victoire, il occupe ici une place centrale sur le Champ d’Arbaud, bénéficiant de l’inclinaison naturelle du terrain et du panorama ouvert sur le massif de la Soufrière qui domine l’arrière-plan. À l’opposé du sujet Pointois, il se situe sur un registre iconographique combatif symbolisant la Nation victorieuse. La composition pyramidale comprend un obélisque dominé par un coq fièrement dressé sur ses ergots et un groupe sculpté représentant une allégorie féminine de la République (ou de la Patrie), tenant d’un côté le drapeau national et de l’autre enlaçant un soldat qui offre sa poitrine au spectateur en démonstration de son courage et de son sens du sacrifice.

L’afflux de commandes publiques en lien avec la mémoire de la Grande Guerre s’accompagne du développement d’une véritable industrie de la statuaire commémorative qui seule permet de répondre à la forte demande, de 17


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