Yup'iit Inupiat

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Ce que les blancs virent n'étaient pas une cérémonie d'adoration du diable, mais des gens "qui faisaient attention", qui pensaient aux esprits de leur monde, avec lesquels ils devaient vivre en harmonie. Ils savaient que le temporel et le spirituel sont liés et qu'il convient de maintenir un équilibre entre les deux. Les occidentaux avaient assisté à la représentation physique de ce monde au travers des danses, des chants et des masques. Mais ils n'avaient pas compris ce qu'ils avaient vu: ils étaient étrangers au monde des esprits des Eskimo de la Mer de Bering. In'ruq

Le mot yupiq pour esprit est "in'ruq". Les Yup'iit croyaient que toute chose, animée ou inanimée, à un "in'ruq". "In'ruq" était l'essence, l'âme, de cet objet ou de cet être. Par conséquent, un caribou était un caribou parce qu'il possédait un in'ruq de caribou - un esprit de caribou. Les In 'ruq étaient indestructibles, à la différence des corps qu'ils habitaient. Et dans le cas des hommes, des poissons, du gibier, la mort était causée par l'esprit quittant le corps il cause d'une blessure mortelle ou d'une maladie. C'est pourquoi les Yupiit préconisaient le respect il l'égard des animaux, même morts. Ils croyaient que le "in 'ruq" se réincarnerait plus tard dans un autre corps, et s'il avait été traité avec respect, il serait heureux de se donner à nouveau au chasseur. Pour un peuple complètement dépendant des mammifères marins et terrestres, du poisson et du gibier d'eau pour sa subsiswnce, il était impératif que tous les membres de la communauté traitent tous les animaux avec respect, s'ils ne voulaient pas s'exposer â la famine a cause d'un esprit offensé. Pour cette raison, des banquets annuels étaient organisés, au cours desquels on célébrait et apaisait les esprits des animaux que les villageois avaient pris cette année-la. Certains blancs assistèrent à ces festins. Un officier de marine russe, Zagoskin, et l'ethnographe américain Edward William Nelson, assistèrent au "Festin des Vessies". Ils l'appelèrent ainsi car il leur sembla que le centre de l'attention était les vessies de mammifères marins suspendues au centre du kas'giq. A côté des vessies, on avait suspendu des lances, des dards, des arcs, des flèches, tous les outils de chasse des chasseurs. Les deux

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spectateurs furent très touchés par les danses, les discours qu'ils ne comprenaient pas, et le rituel. Mais ce qu'ils ne pouvaient comprendre, c'était l'invisible, les esprits représentés par les vessies. Les animaux ne sont pas les seuls à posséder un in 'ruq, les hommes en possëdent un aussi. Mais les esprits humains n'étaient pas appelés in'ruq. Dans le dialecte de la Baie de Hooper, on les appelle "a'ner'neq" - littéralement "souffle" - et comme chez les animaux, l'être humain ne pouvait vivre sans son souffle. La mort survenait quand l'a' ner' neq quittait le corps il cause d'une blessure, d'une maladie, ou de la volonté d'une personne. L'esprit humain était un esprit très puissant, et comme pour les autres créatures, il pouvait renaître quand son nom était donné à un nouveau-né. Il était apaisé et célébré au cours ce que Nelson appelle "le Grand Festin des Morts". Mais quand même, les esprits humains et animaux rôdaient sur la terre, ainsi que les monstres et les créatures des profondeurs et des abîmes (bons et mauvais esprits, "a'lung'rut") et ceux-ci agissaient en faveur ou au contraire, provoquaient la terreur, et même la mort, chez les humains et les animaux. Toute manifestation physique, l'abondance ou la famine, le beau temps ou le mauvais temps, la chance ou la malchance, la santé ou la maladie, avait une cause spirituelle. C'est pourquoi le shaman ("a' gnat' guk") était l 'homme le plus important du village. L'a'ngat' guk était à la fois l'historien du village, le médecin, le juge, l'arbitre, et l'interprète de Yu'ya'raq. Il comprenait également le monde des esprits. En fait, il lui arrivait d'entrer en communion avec les esprits pour pouvoir remplir ses responsabilités en tant qu'intermédiaire entre les hommes et le royaume des esprits. On disait qu'il pouvait se rendre sur la lune, au fond des mers, dans les entrailles de la terre, dans sa quête pour trouver les réponses et les solutions aux problemes auxquels son peuple faisait face; des problèmes comme la famine, le mauvais temps, la maladie, etc ... Dans le monde ancien des Yup'iit, l'a'ngat'guk était une force puissante et indispensable parce qu'il représentait, protégeait et soutenait Yu' ya' raq, même du monde des esprits, dont il était un membre. Il était


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