Voix indiennes du grand nord

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l'époque est aujourd'hui pratiquement illisible. Les habitudes de lecture ont changé et maintenant plus personne ne se risquerait à entamer cette énorme masse de dessins trop noirs, aux trop nombreuses cases remplies jusqu 1 à la gueule de textes explicatifs •.• mais qu'importe! Comme ces vieux pionniers du Wild West qui ont marqué de leur empreinte l' Histoire des USA, Marijac marqua celle de la BD française, et parler de western sans le citer serait comme parler de poule au pot sans citer Henri IV ... Comprenez? A mon grand dam, les Indiens les plus évolués firent ensui te leur entrée dans Jerry Spring .•• A mon grand dam car Jerry Spring est un héros du journal SPIROU que je hais d'une haine atavique qui n'a pas besoin d'explication ni de motivation pour exister ... Bref. Si dans Jerry Spring les Indiens ne sont toujours pas des anges, du moins leur cruauté est-elle expliquée et justifiée: le désespoir ne peut amener que résignation ou haine. Nombreux sont ceux qui choisissent cette dernière voie. Hélas, la présence modératrice et catholique bien pensante de Jerry Spring vient gâcher ce qui aurait pu être un intéressant bouillon de culture. Jigé, grand amateur d'Ouest sauvage, chevaucheur luimême, ne pouvait rester sans réaction face à la réalité historique. Hélas, bridé par la morale scout belge, il fit de Pancho le seul personnage valable de sa bande. Exit les Indiens.

Un virage important a été abordé. De plus, dans "La Longue marche", Char lier rappelle les exodes indiens qui, comme ceux de la tribu de Chef Joseph vers le Canada, se sont fait sans violences de la part des Indiens. Dans Blueberry, du moins dans les derniers cycles de ses aventures, l'Indien est toujours une victime. Que dire de plus sinon que Blueberry est certainement la clef du western actuel, la BD par laquelle le western s'est ouvert sur les préoccupations modernes.

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AVANT! QUE PAS UN

De CES CHieNS

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BlUEBERRY. Charlier et Giraud. Dargaud.

Blueberry, clé du western actuel On l'a dit et on le répètera, Blueberry est le fils illégitime de Jerry Spring; au début, ses Indiens ne furent rien d'autre que les stéréotypes déjà connus. Ce n'est que dans la dernière partie de l'oeuvre de Charlier et Giraud que les Indiens évolueront favorablement. Blueberry, rejeté par la société blanche, va trouver un asile chez les Apaches de Cochise qui le rebaptiseront et feront de lui l'un des leurs, Nez Cassé, Tsi Ma Pah. Dans ces albums on verra même les Indiens soumis aux affres de la faim et du froid ("A la folie blanche"), horde pathétique qui va mourir sous le coup de lois qu 1 elle ne comprend pas. Le général Tête Jaune est un criminel et les Indiens n'ont d'autre choix que la révolte armée. On ne peut qu'approuver leur mouvement. 66

On peut s'étonner de ne pas trouver dans la série "Comanche", BD prétenduement moderne, de rôles indiens d' importance. Cela n'a à mon avis rien d' étonnant: l'équipe qui entoure Comanche n'est qu'une équipe artificielle composée de tous les rebuts possibles de l'époque. Rassembler personnages plus disparates aurai t été impossible. Jugez-en: un vieillard, un jeune Indien, un Noir, un gamin et une patronne de ranch complètement inexpérimentée, vierge et amoureuse de Red Dust, le véritable héros de la serle, un tueur à gages insensible. La présence indienne n'est qu'artifice conventionnel dans ce western de type préBlueberry. Seule l'extrême violence de la bande a pu faire penser à un western moderne de ton. Qu'on ne s 1 y trompe pas. Dans l'optique "critique sociale", Co manche est plutôt à comparer à l'excellente "Route de l'Ouest" publiée par MON JOURNAL en kiosque qu'à Blueberry.


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