Voix indiennes du grand nord

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FM : Les jeunes, dont l'AIM a changé la vie, se demandent aujourd'hui ce qu'ils peuvent faire en tant qu'adultes. DB : Je pense qu'ils doivent d'abord assumer leurs idées. Comment peuvent-ils commencer, comment avons-nous commencé ici, à Loneman School .? En Janvier dernier, il n'y avait rien, le bâtiment était vide, notre petit café ne travaillait pas, personne ne songeait à contacter IBM ou Honeywell. Il fallait d'abord se persuader qu'on pouvait le faire, que nous étions capables de surmonter les obstacles - comme l'alcool et la drogue -. Nous nous sommes réunis et j'ai entendu "que faire? nous n'avons pas d'argent 1" J'ai l'impression que des organisations comme l'OEO, l'EDA, le BlA, le SBA, etc ... ont procédé à un tel lavage de cerveau que les gens ne savent plus rien faire sans programme, fonds generaux, soutien de l'Etat. Ce sont des fanatiques, des conditionnés du programme qui ne lèvent pas le petit doigt s'il n'y a pas un salaire, une rétribution horaire attachée à ce geste C.. ) Si vous voulez couper du bois pour construire, comme nous le faisons ici, il faut d'abord chercher une hache, et avant de se servir de la tronçonneuse, il faut y mettre de l'essence et ensuite s'engager physiquement... Il y a des compagnies qui ont besoin d'ouvriers, qui pourraient nous aider, nous donner de la soustraitance. Mais comment nous trouveraient-elles si nous ne faisons pas un geste, si nous ne les contactons pas, si nous ne leur proposons rien ?

DB : KIL! est probablement notre projet le plus ambitieux. J'en ai toujours fait partie et j'assure une émission de Country Western de quatre heures chaque semaine. Et en ce qui concerne la responsabilité, je dois revenir à ces "conditionnés du programme" dont je parlais tout à l'heure et qui ne veulent rien faire si leurs 3 $ 35 ne leur tombent pas toutes les heures. Si j'étais sftr de réussir, je tendrais une grande banderolle dans Oglala, proclamant : "le salaire minimum s'arrête ici", parce que vraiment on en a trop fait avec ces histoires de programmes, de salaire minimum. A cause de cela, il n'y a pas d'auto-suffisance, pas d'ambition ( ... ). Je sais que nos ressources pourraient rapporter aux gens d'ici. Nous avons du bois de charpente. Nous avons une scierie flambant neuve, nous avons 10 millions de chiens de prairie. J'ai contacté un élevage du SudDakota qui va nous les acheter à 50;60 'cents pièce pour nourrir des visons. Si vous multipliez cela par 10 millions, ça fait 5 millions de dollars. Nous pouvons également garder les peaux et les travailler. Nous avons un projet de montage et de câblage d'éléments de télévision de 10 personnes pour le compte de Honeywell. Nous avons aussi une soixantaine de commandes pour les couvertures que nous fabriquons ici. FM : Si le chômage est si élevé à Pine-Ridge, de quoi les gens vivent-ils ? DB : Tous les ans, 75 millions de dollars arrivent sur cette réserve. Ils sont répartis sur des postes fixes, nos neuf écoles, le personnel de l'hôpital, les employés fédéraux, les pensions vieillesse, les allocations de chômage, comme vous appelez cela.

FM : Pouvez-vous nous parler de Loneman School ? DB : L'école a été construite il y a 80, 90 ans, par le BIA. En 1975, la Communauté a créé la Loneman School Corporation qui administre et fait tourner l'école. J'en fait partie. Le BIA possède toujours le bâtiment, mais n'a pas droit de regard sur ce que nous y faisons. Nous avons déjà du bois, nous pensons faire du tissage, du filage, du cardage de laine pour une compagnie californienne qui fabrique des chandails et des chapeaux. FM : A propos de KILI, votre radio indienne locale : on dirait que l'enthousiasme initial des jeunes s'est beaucoup refroidi devant les responsabilités que ce travail implique. 60

FM : Toutes ces facilités ne nuisent-elles pas aux gens au lieu de les aider, en les privant d'initiative, en les empêchant d'essayer de s'en sortir par leurs propres moyens ? DB : Bien sftr. FM : Ils veulent que vous soyez dépendants de leur système. DB : C'est cela. FM : Est-ce que les gens d'en rendent compte ? Cela ne les met pas en colère ? DB : Non. C'est moi que ça met en colère. Nous sommes devenus dépendants. Heureusement, nos inititiatives commencent à faire changer la situation ici (... ).


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