Voix indiennes du grand nord

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L'ECRITURE CHEZ LES INUIT L'écriture des langues autochtones en Amérique du Nord, chez des peuples qui communiquaient et transmettaient oralement, n'est apparue sous des formes originales qu'au XIXème siècle. On retiendra comme exemple l'alphabet cherokee unique de Sequoia, alors qu'un peu partout les "dialectes indigènes" sont écri ts dans l'alphabet européen sans que soit mis en place un système de signes nouveaux. Cependant, en 1887 dans le Labrador, le Révérend E.J. Peck a l'idée d'adapter le système de l'écriture dite syllabique ("syllabics") - conçu en 1840 par James Evans à l'intention des Cris du Nord-Ouest - afin qu'elle devienne chez les Inuit du Labrador une graphie à la fois unique et rapide à exécuter. Auparavant, ceux-ci bénéficiaient plus ou moins de l'enseignement que les missionnaires moraves dispensaient en Inukti tut (déjà écrit par des prédécesseurs comme S. Kleinschmidt ou Egede). De même que partout en Arctique, les envoyés de différents ordres religieux occidentaux apprenaient aux Inuit leur manière propre d'écrire l' Inukti tut, chacune se rattachant à l'orthographe des langues romanes. Aussi, l'écriture syllabique apparaît-elle comme "une source de profonde fierté pour ses utilisateurs qui la considèrent comme la démonstration graphique de l'existence, de l'unicité et de la valeur de leur propre langue".(l)

de la tradition orale à une tradition écrite De nos jours, l'écriture syllabique des Inuit s'est suffisamment répandue pour devenir communication et même moyen d'enseignement en Arctique. Ainsi, alors que croît la demande d'une normalisation de l'écriture et de la langue, (allant de pair avec une prise de conscience politique) , une Commis sion de la Langue ("Language Commission") est créée en 1974 par l'Inuit Tapirisat du Canada. Peu à peu, l'Inuktitut se normalise et la firme LB.M. met même au point des machines à écrire "syllabiques". Les Inuit, confinés

dans leur statut sédentaire actuel, découvrent bientôt les avantages qu'ils peuvent tirer d'une langue écrite: propager leur culture, fixer sur le papier des réalités de faits aussi bien que mythiques. Il se révèle de plus que la production littéraire revient finalement bon marché vu le peu de signes nécessaires pour écrire un livre entier. D'après R. Mc Grath, "la littérature écrite des Inui t représente un stade de développement normal et désirable dans leur histoire".(2) Quelle que soit l'orthographe utilisée, elle est finalement acceptée par l'autochtone (qui autre part pourra élaborer un système hiéroglyphique propre) qui voit en elle "un outil précieux pour maintenir les relations familiales, développer une autonomie poli tique et encourager une survivance de la culture"(3). Néanmoins, l'acheminement vers la tradition écrite ne va-t-il pas déterminer une perte ou du moins une dégradation de la transmission orale encore étonnante chez les Inuit ? NOTES 1) Cité dans "Alaska Native Language: Past, Present and Future". M. Krauss (Fairbanks: Alaska Native Language Center, 1980), P. 16. Cité par R. Mc Grath (trad. de l'auteur). 2) c.f. "Canadian Inuit Literature: The Development of a Tradition". Robin Mc Grath (Canada, Musée National de l'Homme, Coll. Mercure, 1984). 3) id.

J'ai écrit des choses moi-même pour mes enfants. J'écris queLque chose que mes enfants pourront utiliser après ma mort. Des choses qu'iLs auront besoin de savoir. Les choses que j'écris sont toutes vraies: comment on devrait vivre sa vie, et Les choses intéressantes qui sont arrivées. (David IppirqJ 19


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