Atikamekw Ojibwe

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FRANCIS GEFFARD

Sous le signe indien Les romans de Tony Hillerman ne ressemblent à aucun autre. Ce sont des romans policiers, dont les héros ne sont en aucun cas des stéréotypes du flic ou du détective traditionnels. Ils s'appellent Jim Chee et Joe Leaphorn et sont tous deux Indiens. Ils appartiennent à la tribu des Navajos dont la réserve s'étend dans le sud-ouest des Etats-Unis, un pays sauvage et magnifique fait de hautes montagnes, de mesas, de plaines désertiques et de canyons qui constitue le cadre privilégié des romans d 'Hillerman. Si les intrigues criminelles y sont complexes et fouillées, elles s'accompagnent d'une étonnante exploration de la culture des Indiens Navajos jusque dans ses moindres détails. Tony Hillerman n'est ni anthropologue ni indien; il parle de ceux qu'il aime avec beaucoup de scrupules, de pudeur même, sans doute le résultat de cette intimité qu'il semble entretenir avec ceux, dont il est devenu bien qu'étant blanc, l'un des plus fidéles et des plus sérieux ambassadeurs. Ceux-là même ne s'y sont pas trompés qui donnent à lire aux écoliers de la Réserve les romans d'Hillerman, même s'ils semblent regretter parfois qu'il ne soit pas des leurs. Ainsi, en 1988, le Conseil tribal lui a-t-il remis une distinction rare, il est « l'ami privilégié du peuple navajo ». C'est à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, où il vit depuis vingt-cinq ans, que j'ai rencontré Tony Hillerman. J'avais lu avidement chacun de ses livres et, à chaque fois, le charme avait opéré. Je n'allais pas être déçu par ma rencontre avec l'homme. D'emblée chaleureux et sympathique, ce qui frappe le plus chez lui, c'est sa modestie et sa simplicité, sa gêne même si on vient lui demander, comme c'est souvent le cas depuis que ses livres connaissent un réel succés, de faire tel ou tel commentaire, comme s'il était un spécialiste de la question indienne. Tony Hillerman ne s'est en aucun pas approprié ceux dont il s'est fait le chantre, il se contente de leur vouer un respect empreint de fraternité et d'admiration. Bien que Robert Redford ait acquis les droits de certains de ses livres afin de les adapter au cinéma, il garde la tête froide. Sans doute est-ce là une attitude typiquement navajo. D'ailleurs, ne porte-t-il pas un regard ironique sur les Blancs, leur comportement, leur échelle de valeurs à travers les personnages de Jim Chee et Joe Leaphorn. Dans ses romans, il est souvent avant tout question de ces hommes, de ce qu'ils ressentent, de ce qu'ils pensent, illustrant en cela la complexité de la situation indienne aujourd'hui. Comment concilier tradition et modernité? Quand ils ménent leurs enquêtes, ces policiers se fient davantage à leur instinct, en examinant un buisson de sauge ou en suivant les traces d'un coyote, qu'aux techniques rationnelles de la police. De la même façon empruntent-ils à leur culture et à leur religion des éléments de réponse qui prennent souvent le pas sur la logique de l'homme blanc. La remarquable attention d'Hillerman ne va pas seulement aux personnages qu'il met en scéne mais également à tout ce qu'il restitue de leur univers : paysages, faune, végétation, ainsi dépeint-il la Réserve comme personne. Nous avons passé une journée ensemble, j'avoue l'avoir écouté parler avec fascination. De retour en France, aprés avoir passé un mois parmi les Navajos, j'ai été troublé, en relisant ses livres, de constater l'authenticité quasi parfaite du témoignage que constitue l'œuvre de Tony Hillerman sur un peuple et sa culture. Photos in "Dwellers at the sources" de William Webb et R.A.Weinstein Southwestern Indian Photographs of A.C. Vroman, 1895-1904, University of New Mexico Press,198?

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Navajo (1903) Medecine-Man (1903)


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